Depuis quelques jours, l’hypothèse fait son chemin d’un (mini)remaniement gouvernemental à l’issue des élections départementales des 22 et 29 mars, surtout si le scrutin se révèle désastreux pour la majorité. Besoin d’un nouveau souffle pour l’exécutif, retour des écologistes, signaux à l’aile gauche du parti (frondeurs, aubrystes), exfiltration de ministres « usés » : le scénario d’un changement d’équipe n’est pas absurde.
Quid de Marisol Touraine ? Est-elle politiquement fragilisée, ou même menacée ?
Certes, la ministre de la Santé affronte depuis septembre 2014, sous l’œil attentif de l’Élysée, une puissante contestation du monde de la santé émaillée de journées de fermeture des cabinets libéraux (aujourd’hui même), de grève des gardes ou encore d’actions de boycott de la carte Vitale. En dépit de groupes de travail sur les points conflictuels et d’un report de quelques semaines de l’examen parlementaire, son projet de loi reste très décrié par les internes, les praticiens libéraux mais aussi les dentistes qui devraient manifester en masse le 15 mars à Paris. Quant à la réforme du tiers payant généralisé, rien n’y fait, elle fait toujours figure de repoussoir.
Poids lourd
Pour autant, très peu d’observateurs du secteur parient sur son départ imposé. « Touraine fait partie des ministres inoxydables, soupire le député UMP Jean-Pierre Door, fin connaisseur du monde médical. Elle a été pilote de la santé dans l’équipe du candidat Hollande, puis artisan de la réforme des retraites, et elle tient maintenant la barre sur son projet de loi. Sauf tsunami politique, je la vois mal être éjectée du gouvernement ».
Ce leader syndical chevronné du secteur libéral abonde dans le même sens. « Touraine n’est pas menacée car elle reste un poids lourd du gouvernement, qui applique à la lettre la feuille de route Hollande et fait le job, y compris sur le tiers payant, même si c’est difficile ». Et dans un gouvernement qui respecte strictement la parité, Marisol Touraine semble encore plus incontournable.
Pour beaucoup, le calendrier parlementaire est également favorable à la ministre. « Maintenant que les premières échéances sont établies, je vois mal qui pourrait aller défendre ce texte devant l’Hémicycle à sa place », confirme Gérard Bapt, cardiologue et député PS de Haute-Garonne.
Difficile, de fait, de se priver d’une ministre aguerrie qui s’apprête à monter au front à l’Assemblée nationale, fin mars/début avril, pour défendre une des lois majeures de la deuxième partie du quinquennat. Sauf à vouloir enterrer la réforme... De ce point de vue, les récentes déclarations de François Hollande affirmant qu’il n’y aura pas de tiers payant généralisé sans « mécanisme simple de paiement » pour les médecins n’ont pas été perçues comme un désaveu pour Marisol Touraine, mais plutôt comme une piqûre de rappel pour trouver un compromis rapide.
Lemorton (PS) : une loi pour les patients
La manifestation du 15 mars à Paris, véritable test de la mobilisation des médecins avec qui le courant n’est jamais vraiment passé, peut-elle déstabiliser la ministre ? Certains professionnels veulent croire ses jours sont comptés. « Marisol Touraine le sait, si la situation ne s’améliore pas, elle pourra dire adieu à son maroquin ministériel au prochain remaniement. Tic tac... », écrit dans « l’Obs », le 8 février, Mickael Benzaqui, ex-président éphémère des internes de l’ISNI.
À l’inverse, la pression de la rue n’inquiète guère ce connaisseur des arcanes socialistes, pour qui seul un « raz-de-marée » médical, avec plusieurs centaines de milliers de blouses blanches, pourrait pousser l’Élysée à trancher dans le vif.
Auprès du grand public, les derniers sondages traduisent une cote à la hausse pour Marisol Touraine. Mesurant l’action gouvernementale, le baromètre* Metronews/LCI réalisé par OpinionWay (février 2015) révèle un bond de huit points de la ministre de la Santé avec 48 % de satisfaits, son meilleur score (et autant de mécontents). L’action de la ministre convient même à 60 % des 18/34 ans...
« Marisol Touraine n’est en rien fragilisée, tranche Catherine Lemorton, présidente socialiste de la commission des Affaires sociales à l’Assemblée. Face à une profession corporatiste, elle mène une bataille compliquée, car elle porte à bout de bras un projet de loi qui ne s’adresse pas aux médecins, mais aux patients. »
Un cas de figure, parfois cité, pourrait faire partir Marisol Touraine de « Ségur » : un changement de poste au sein du gouvernement, à la Justice par exemple, option déjà envisagée lors du précédent remaniement.
*Étude réalisée auprès d’un échantillon de 1 001 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus (méthode des quotas).
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