C'est le dernier rapport en date sur la gestion de la crise du Covid-19 en France. Celui du Pr Didier Pittet, infectiologue et épidémiologiste suisse (hôpitaux universitaires de Genève), missionné en juin 2020 par Emmanuel Macron pour tirer les leçons de la pandémie et préparer l'avenir.
Après avoir remis ses conclusions au président de la République le 18 mai dernier, il était auditionné, ce mercredi, par la commission des affaires sociales du Sénat. Le directeur du centre collaborateur de l'OMS pour la sécurité des patients a dépeint devant les parlementaires une gestion française qui n'a rien à envier à ses voisins européens et tracé les contours d'une nouvelle stratégie hexagonale pour faire face au risque épidémique.
Culture de gestion de crise
La gestion française « n'a cessé de s'améliorer » depuis le printemps 2020 et « la troisième vague a été très bien gérée », affirme le Pr Didier Pittet.
En début de crise, « tous les pays ont manqué d'anticipation », assure-t-il. Partout, les autorités disposaient de plan pandémique mais « pratiquement aucun pays ne l'a utilisé ». Pourquoi ? « Ceux qui les ont faits ne sont plus là et on ne fait pas confiance à ceux qui étaient là avant », tente d'expliquer le médecin genevois.
S'il reconnaît une gestion des stocks stratégiques, en particulier des masques, « déficiente », celle-ci n'est pas imputable uniquement à Santé publique France. « Ce n'est pas son expertise », rappelle le Pr Didier Pittet. À l'avenir, il suggère plutôt à la Direction générale de la santé (DGS) « d'étoffer » sa compétence avec la création d'un « délégué à la prévention du risque infectieux ».
Plus généralement, l'épidémiologiste prône le développement d'une « culture de gestion de crise » qui ne soit pas assignée à une entité particulière. Cela doit pouvoir bénéficier à tous les ministères. « En temps de calme, il faut entraîner, en interministériel, des gens habilités à réagir et les activer en temps de crise », résume-t-il. Qui pour assumer ce rôle ? « Des épidémiologistes de terrain et d'intervention », précise le Pr Pittet car, « la gestion de crise est un métier » et n'est pas à la portée de tous.
Épidémie d'épidémiologistes
Régulièrement critiqué en France, le Conseil scientifique nommé par Emmanuel Macron dès mars 2020 a trouvé grâce aux yeux du Pr Didier Pittet. Dans une crise, « il faut aller chercher les expertises scientifiques », soutient le médecin. À condition pour lui, « d'aller chercher les meilleures » et de leur donner l'indépendance et les moyens de bien travailler.
Sur ce point, « il y a des progrès à faire ». Pour faire des modélisations ou bien des analyses sur les facteurs de risque, l'accès aux données de santé est primordial pour les scientifiques. Or celui-ci a été compliqué pendant la crise. « Il faut mettre en place une réflexion sur la confidentialité, prône l'épidémiologiste, cela peut faire débat mais on devrait pouvoir imaginer qu'en situation de crise, il y ait les moyens législatifs d'ouvrir ces capacités de données ».
Attention toutefois à ne pas multiplier les experts au risque de brouiller l'information. La prolifération de spécialistes dans les médias et sur les chaînes d'information en continu a pu être préjudiciable pendant la crise. Qu'il s'agisse d'« infodémie », selon le terme consacré par l'OMS ou d'une « épidémie d'épidémiologistes », comme s'amuse à la qualifier le Pr Didier Pittet, « il faut corriger cela ».
Évoquant à demi-mot les atermoiements du gouvernement au moment du premier reconfinement, le spécialiste affirme que ce phénomène « a fait souffrir le système ». « Au mois de septembre 2020, cela a probablement joué un sale tour au décisionnel », a-t-il lâché.
Quatrième vague, oui mais de moindre ampleur
Faut-il craindre un regain de l'épidémie à la rentrée avec la prolifération du variant Delta ? Le Pr Didier Pittet répond par l'affirmative. Il y aura bien une quatrième vague, et « même une cinquième ou une sixième ». Seulement, celles-ci seront d'ampleur bien moindre que les précédentes en raison notamment du niveau de vaccination de la population française.
L'épidémiologiste rejette en bloc l'idée d'une « stratégie zéro Covid ». Elle est même inenvisageable en Europe, vue l'étroitesse des liens entre les pays. À moins de « fermer en même temps pendant 12, 16 ou 20 semaines » puis rouvrir progressivement. Au contraire, le Pr Didier Pittet plaide pour une intensification de la stratégie du « tester, tracer, isoler » et insiste sur le nécessaire maintien des gestes barrières. « Aucun variant ne résiste à l'hygiène des mains, à la distanciation sociale et au port du masque », résume-t-il.
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