Passes d'armes en vue sur le budget de la Sécu

Buzyn monte au front face aux parlementaires 

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Publié le 15/10/2018
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buzyn veran

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

160 pages (hors annexes), 58 articles et plus de 600 amendements déposés par les députés à examiner en quatre jours.

La commission des Affaires sociales de l'Assemblée nationale entame demain la lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2019. La semaine dernière, Agnès Buzyn (Santé) et Gérald Darmanin (Bercy) ont défendu ensemble le budget face aux sénateurs puis devant les députés, répondant en commission à des dizaines de questions lors d'une double audition marathon. La raison de ce rythme d'enfer : un calendrier bousculé par un remaniement délicat et un agenda chargé sur le front des comptes sociaux et de la santé. 

Si plusieurs parlementaires n'ont pas manqué de saluer les signaux positifs de ce deuxième PLFSS (retour à l'équilibre financier en 2019, rallonge budgétaire pour le plan santé), beaucoup d'entre eux ont relayé les préoccupations du secteur et notamment le manque de moyens accordés à l’hôpital. « Depuis quelques jours, c’est une lame de fond de mécontentement qui est en train de remonter au niveau national », a prévenu vendredi Frédéric Valletoux, patron de la FHF, porte-parole des établissements publics.   

Vers un forfait de réorientation aux urgences

Le rapporteur général de la commission des Affaires sociales Olivier Véran a (re)mis sur la table un mécanisme financier issu de son rapport sur la réforme de la tarification à l'activité (T2A). Il s'agit de décongestionner les urgences en créant un forfait de réorientation attractif, incitant les hospitaliers à adresser les patients légers vers des structures ambulatoires. « Les cas graves représentent 10 % des séjours aux urgences, alors que l'ensemble des séjours est passé de sept millions en 1990 à plus de 20 millions » argumente le neurologue. Agnès Buzyn a « confirmé réfléchir à une mesure incitative [de ce type] par la création d'un forfait qui pourrait être complètement pris en charge par l'assurance-maladie ».

La suppression de l'obligation de mention manuscrite systématique « non substituable » pour renforcer le recours aux génériques a alerté des élus. Le gouvernement envisage le recours à un référentiel pour justifier le « NS ». « Comment le médecin va faire ? Comment la justification devra-t-elle se traduire ? » a lancé Catherine Deroche, rapporteur de la branche maladie et sénatrice LR du Maine-et-Loire, dont le groupe a déposé un amendement correctif. Une négociation aura lieu avec l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et les médecins pour établir une liste de cas et de situations justifiant la mention NS, a résumé Agnès Buzyn. « On voit des patients arriver en disant : " je suis allergique aux génériques". Médicalement parlant, c'est difficile à justifier ! » a-t-elle argumenté, provoquant les rires des sénateurs. Une attention accrue sera portée aux génériques à marche thérapeutique étroite comme le Lévothyrox. 

Les députés Paul Christophe (UDI, Agir et Indépendants, Nord) et Jean-Carles Grelier (Sarthe, LR) se sont agacés de voir l'industrie du médicament être une fois encore une « variable d’ajustement » du budget de la Sécu et l'un des plus gros pourvoyeurs d’économies (1,3 milliard d’euros). Agnès Buzyn a fait appel au principe de pertinence des soins. « Ça ne serait pas une honte que les patients sortent des cabinets médicaux avec des prescriptions un peu plus légères », a-t-elle suggéré.

Financement sous conditions en ville

Plus surprenant, Agnès Buzyn a annoncé la création pour les soins de ville d'une forme de réserve prudentielle, inspirée du modèle hospitalier (gel de crédits) et défendue par la Cour des comptes. Enjeu : inciter la ville à rester dans les clous de l'objectif national des dépenses maladie (ONDAM) en conditionnant le versement de certains crédits au respect de l'enveloppe allouée. Relayant les inquiétudes des libéraux, la droite est montée au créneau. Sans vaciller, Agnès Buzyn a indiqué que « la construction de l'ONDAM 2 019 inclut déjà une réserve prudentielle, une provision de 120 millions d’euros sur les soins de ville ». En coulisses, la FHF s'active pour voir cette mesure de régulation des soins de ville devenir réalité.

Dernier point de crispation : les futurs assistants médicaux. « C'est quoi ce métier ? Quel périmètre ? La coordination est un point critique de notre système de santé. Dans cette jungle, vous allez créer un nouveau poste au lieu de renforcer le rôle de la coordination des infirmiers, ne risque-t-on pas de créer de la confusion ? », a résumé la sénatrice Christine Bonfanti-Dossat (Lot-et-Garonne, LR). « Ce n'est pas le métier d'infirmière, a clarifié la ministre. L'assistant médical ne fait pas de la coordination et son rôle va être négocié avec les professionnels. »

 

 

 

 

 

 

 

Loan Tranthimy et Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9694