Dévoilé en début de semaine, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2023) contient des mesures d'économies classiques mais aussi plusieurs nouveautés ou mauvaises surprises susceptibles de crisper le secteur.
Un déficit qui fait (presque) pschitt
C'est un redressement spectaculaire mais… en trompe-l'œil. Depuis le record de 2020 (plus de 39 milliards d'euros de déficit !), les pertes du régime général n'ont cessé de se réduire : moins de 25 milliards en 2021, 17,8 milliards cette année et désormais 6,8 milliards prévus en 2023. Cette « très nette amélioration », que met en avant Bercy, est sujette à caution car elle s'explique surtout par la réduction de la facture Covid : la provision programmée pour les tests et vaccins chuterait de 11 milliards en 2022 à un milliard l'an prochain, une enveloppe sans doute insuffisante pour couvrir les dépenses réelles. Les recettes constituent l'autre bonne nouvelle puisqu'elles bondiraient de 4,1 % en 2023 soutenues par la masse salariale du secteur privé. L'équilibre reste lointain car les prévisions affichent un trou de 8,8 milliards en 2024 et de 12,7 milliards en 2025…
L'hôpital épargné, pas le médicament
Aucune mesure d'économie ne sera demandée à l'hôpital l'an prochain afin de « laisser le temps aux établissements de se reconstruire », jure le ministère. Dans ce budget, l'enveloppe hospitalière est en augmentation de 4,1 % (versus 2,9 % pour les soins de ville), une bouffée d'oxygène de 4 milliards supplémentaires. Si ce PLFSS ne prévoit pas d'économies directes sur l'hôpital, il engage un tour de vis sur les dépenses de l'intérim (1,4 milliard de coût annuel). Puisque le plafonnement de rémunération des intérimaires prévu dans la loi Rist d'avril 2021 n'a jamais été appliqué, la pratique va être interdite aux jeunes diplômés.
Côté laboratoires, c'est la gueule de bois. Le gouvernement met en avant un « effort d’efficience » de 1,1 milliard d’euros en 2023 sur les produits de santé, dont 900 millions d’euros sur des baisses de prix. « C’est raisonnable », estime Bercy. Ce n'est pas l'avis du Leem (syndicat patronal de l'industrie pharmaceutique), qui a fait ses calculs et aboutit à trois milliards d'euros d'économies. Le PLFSS « tourne le dos à l’innovation, sonne le glas des ambitions industrielles de la France et menace à terme l’accès des Français à leurs médicaments », se désole le syndicat.
Coup d'accélérateur sur la prévention
La promesse d'Emmanuel Macron de mettre en place des consultations de prévention aux âges clés (20-25, 40-45 et 60-65 ans) se concrétise. Le projet de loi renvoie le contenu de ces nouveaux actes à des textes réglementaires – le Collège de médecine générale a déjà planché sur le sujet – et sa rémunération à la prochaine convention médicale. Lors de l'Université d'été de la CSMF, Thomas Fatôme le directeur de la Cnam a indiqué que « l'acteur de ces bilans de prévention sera sans doute le médecin traitant, mais pas tout seul ».
Les autres mesures dans ce domaine sont plus classiques : extension à toutes les femmes de la gratuité et de l'accès sans ordonnance à la contraception d'urgence, dépistage sans ordonnance d'IST et gratuité pour les moins de 26 ans, nouvelles compétences de prescription vaccinale pour les infirmières et les pharmaciens. Enfin, le gouvernement a décidé d'indexer la hausse du prix du tabac sur l'inflation.
Quatrième année d'internat, dossier miné
La fuite dans la presse a créé le feu aux poudres et la colère des jeunes n'est pas retombée. Le PLFSS allonge d’une année l’internat de médecine générale, une 4e année exclusivement en ambulatoire et « en priorité » dans les zones sous-denses. Si la réforme est dans les tuyaux depuis des années, c’est le fléchage dans les territoires sous-dotés qui a provoqué l'ire des jeunes. « Il n’y aura pas d’obligation », tempère l’entourage de François Braun. Mais les internes critiquent une solution improvisée pour pallier les carences de la désertification médicale et menacent d’une grève en octobre. Quelle rémunération ? Y aura-t-il assez de maîtres de stage pour accueillir ces 4 000 carabins supplémentaires ? Une mission vient d’être lancée, confiée à quatre médecins, pour définir les contours de cette réforme…
Décotes : la rengaine qui irrite les spécialistes
Pour les biologistes médicaux et les radiologues, ce budget a, hélas, des airs de déjà-vu. Habituées aux « coups de rabot » sur les tarifs, les deux spécialités sont fortement mises à contribution. Les biologistes devront trouver « au moins 250 millions d'euros » d'économies, faute de quoi les décotes seront fixées de façon unilatérale par arrêté. La profession devra signer un compromis « avant le 1er février 2023 » avec la Cnam.
Chez les radiologues, même refrain. L'imagerie a représenté près de cinq milliards d'euros de dépenses en 2021. « Nous pouvons mieux limiter les examens redondants et inutiles », avance Bercy. Il est réclamé aux radiologues de négocier « un protocole de 150 millions d'euros pour juguler les dépenses ». La profession est priée d'être plus transparente quant aux charges « réellement supportées » par les cabinets d'imagerie médicale lourde.
Téléconsultations : recadrage en vue
Dérives des plateformes et abus des patients ont poussé le gouvernement à sonner la fin de la récré. Alors que les reportages se multiplient, pointant la facilité d’obtenir un arrêt de travail en visio, l’exécutif recadre la pratique. Dès juin 2023, le PLFSS propose de dérembourser les arrêts prescrits par téléconsultation, sauf lorsqu’ils sont délivrés par le médecin traitant (ou un praticien consulté dans l’année). La pratique reste marginale : 1 % des IJ sont prescrites en téléconsultation. Ces recadrages « éthiques » visent également les plateformes. Un statut ad hoc devra être trouvé pour les sociétés de téléconsultation afin de clarifier les exigences sur les modalités d’exercice, en particulier en matière de structuration juridique, de déontologie, de qualité des soins et de respect des normes de sécurité.
Le PLFSS souhaite par ailleurs sanctionner davantage les fraudes, en déconventionnant « d’urgence » les professionnels fraudeurs. Dans le viseur : pharmaciens d’officine, prestataires de services, transporteurs sanitaires ou encore taxis conventionnés.
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