LE PROJET de révision de la loi bioéthique comporte « un certain nombre de dispositions innovantes, mais aucune ne vient percuter les principes cardinaux », avait souligné la ministre début septembre en en révélant les grandes lignes (« le Quotidien » du 6 septembre). Ce texte, qui devait intervenir théoriquement cinq ans après la loi de 2004 (la clause de révision régulière est d’ailleurs abandonné dans le projet), est l’aboutissement d’une concertation initiée en 2008, ponctuée par un débat citoyen et un grand nombre de rapports (Conseil d’État, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Académie de médecine, Comité national d’éthique...).
° Accès aux origines
La principale innovation introduite dans cette législation est la possibilité pour les enfants issus d’un don de gamète (sperme ou ovocyte) – soit à peu près 1 300 naissances par an – d’avoir accès à leurs origines. À leur majorité, ils pourront avoir accès à des données « non-identifiantes » sur le donneur (âge, origine, catégorie socio-professionnelle...) mais aussi à son identité, si celui-ci, informé de la demande, y consent. La mesure ne s’appliquera pas aux dons antérieurs à la loi, a souligné le ministère, répondant ainsi à une inquiétude des donneurs et des professionnels de santé.
Reste que cette possibilité d’accéder à ses origines est « vraisemblablement une fausse bonne idée », estime le Groupe d’études pour le don d’ovocytes (GEDO). Elle va d’une part, à l’encontre des souhaits émis par les professionnels de santé, « qui ont, en France, sur le don de spermatozoïdes en particulier une expérience de plus de 30 ans » et d’autre part, renvoie à la « question fondamentale de l’origine » : « une confusion s’est instaurée entre l’état de géniteur et celui de parent ». Les médecins du GEDO (dont le Dr Hélène Letur, le Dr Philippe Granet et le Pr Patrick Fénichel) craignent également un risque d’appauvrissement du niveau de l’offre des gamètes, comme en Suède ou en Grande-Bretagne, par exemple. Mais, pour la ministre, l’échec suédois « est dû au fait que, dans ce pays, la révélation de l’identité est obligatoire. En France, je ne m’inquiète pas au regard de la pratique constatée en matière de dons de gamètes », assure-t-elle dans une interview au « Figaro ».
° Recherche sur les embryons
Autre point très attendu par la communauté scientifique, le sort réservé à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. La loi de 2004 l’interdit, tout en prévoyant des autorisations dérogatoires par l’Agence de la biomédecine pour une période limitée à 5 ans, ce moratoire venant à échéance en février 2011. Le projet de révision supprime le moratoire, mais maintient le principe d’interdiction de la recherche et le régime d’autorisations à titre dérogatoire. « Ce système nous semble le garde-fou éthique le plus adapté tout en préservant les progrès de la science et de la médecine », explique la ministre, même si l’Office parlementaire ne partage pas cet avis et aurait préféré la mise en place d’un régime clair d’autorisations, à l’image du Conseil d’État.
° Assistance à la procréation
En matière d’assistance médicale à la procréation (AMP), le texte met en exergue le caractère strictement médical des critères justifiant d’y recourir. Il prévoit le même droit d’accès aux couples hétérosexuels pacsés qu’aux couples mariés (sans avoir à justifier de deux ans de vie commune comme prévu dans les autres cas). Les conditions de recours au diagnostic pré-implantatoire ou DPI (une quarantaine de naissances par an) restent inchangées, dans le cadre d’une AMP lorsqu’un couple a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie grave reconnue comme incurable. En revanche, le gouvernement ouvre enfin la porte à la technique de la congélation ovocytaire ultrarapide (ou vitrification). Par ailleurs, Roselyne Bachelot s’était montrée, depuis le début des débats, défavorable à la gestation pour autrui : sans surprise, le texte ne l’envisage pas.
Parmi les innovations, une disposition est prévue pour faciliter l’information des parents d’une personne atteinte de maladie génétique grave, tout en respectant le secret médical. Le patient concerné, qui ne souhaite pas donner lui-même l’information à ses proches, pourra communiquer leurs coordonnées au médecin qui se chargera de les avertir de la présence d’une anomalie génétique familiale, sans mentionner l’identité du patient.
° Greffes et dons d’organes
En matière de greffe, le don croisé d’organes est envisagé. Selon Roselyne Bachelot, cette mesure devrait permettre de réaliser de 100 à 200 greffes de rein supplémentaires par an à partir de donneurs vivants (223 en 2009). Notons à cet égard que l’Agence de la biomédecine, qui travaille actuellement sur un nouveau plan Greffe pour relancer l’activité qui stagne depuis trois ans, devrait remettre à la ministre un premier projet d’ici la fin du mois.
En revanche, le gouvernement n’ouvre pas la voie à la conservation autologue de sang de cordon (qui ne sera toutefois plus considéré comme un « déchet opératoire »). Une décision que regrette Pierre Le Coz, vice-président du Comité national d’éthique: « Les législateurs ne peuvent-ils pas trouver un système qui puisse permettre de poursuivre la recherche sur cette potentialité thérapeutique et protéger en même temps les citoyens d’une dérive autocentrée », s’interroge-t-il (« le Quotidien » du 6 septembre).
Les discussions parlementaires sont attendues en début d’année prochaine.
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