Alors que ce sont habituellement les syndicats ou les patients qui jouent ce rôle, le collège de la Haute autorité de santé (HAS) a récemment exprimé « son inquiétude » dans une lettre ouverte quant à la capacité du système à dispenser des soins et à « assurer des accompagnements de qualité » sur l’ensemble du territoire. Régulièrement « alertée » par les acteurs et par les usagers, la Haute autorité formule une série de propositions face à ces difficultés « systémiques ».
Le premier enjeu concerne les ressources humaines : environ 5 à 10 % des postes d’infirmiers sont vacants et plus d’un tiers des postes de praticiens ne sont pas pourvus à l’hôpital et un tiers des Ehpad n’ont pas de médecin coordonnateur. « Ces pénuries compromettent inévitablement la qualité des soins. Le lien entre encadrement médical et paramédical et qualité est en effet bien établi (...) », indique la HAS. Ces pénuries de personnels contribuent à la dégradation des conditions de travail et conduisent à fermer lits, places et services, voire à suspendre des activités.
Traitements non pertinents
En ville, la HAS pointe « la répartition inégale » des professionnels de santé qui « compromet » l’accès aux soins. Sept généralistes sur dix estiment que l’offre de médecins dans leur zone est insuffisante et trois sur dix rencontrent des obstacles pour adresser leurs patients à des spécialistes. Ces temps d’accès aux soins conduisent à des « pertes de chances » pour les patients. « Les tendances démographiques actuelles ne feront qu’accentuer la pression dans les années à venir », pointent les auteurs de la lettre.
Autre enjeu, celui de l’organisation et des modes de financement. Certains patients ne reçoivent pas tous les soins nécessaires – par exemple ceux atteints de BPCO – tandis que des traitements non pertinents « ne sont pas rares ». « Près de la moitié des résidents des Ehpad prennent des anxiolytiques ou des antidépresseurs alors que ces médicaments sont à éviter chez les personnes âgées », souligne la HAS. Les évènements indésirables graves liés aux soins sont encore « trop nombreux » et donc « évitables ». Ces dysfonctionnements ont « de multiples causes » : manque de coopération et de coordination entre les acteurs, modes de financement « qui rémunèrent l’activité plutôt que la qualité ou la pertinence des soins », juge la HAS.
Élargissement de compétences
La HAS liste donc une série de solutions dont une partie a déjà été initiée sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. Outre l'attractivité des métiers, elle appelle à une bonne utilisation des ressources humaines, en faisant intervenir chaque professionnel « là où sa plus-value est optimale ». « Cela suppose un élargissement des compétences paramédicales et une reconnaissance des nouveaux rôles : les infirmiers en pratique avancée (IPA) devraient pouvoir intervenir dans de nouveaux domaines », peut-on lire. Le déploiement des assistants médicaux, en priorité dans les régions sous-dotées en médecins, « devrait être poursuivi ».
Les professionnels de santé doivent aussi pouvoir bénéficier du renforcement de leurs formations et de la possibilité d’évaluer leurs pratiques de façon simple et efficiente. Il faut par ailleurs améliorer l’accès aux soins « en donnant plus de moyens et de leviers opérationnels aux ARS », en particulier en territoires sous-dotés, et développer les téléconsultations accompagnées dans les pharmacies ou Ehpad, « lorsque cela est possible et pertinent ».
Restructurer les urgences
Autres propositions : augmenter le nombre de Smur, sans les adosser forcément à des établissements ou encore « restructurer les urgences » pour libérer du temps pour les urgentistes (consultation de médecine générale, gestionnaires de lits). À l'hôpital, la HAS préconise « une plus grande autonomie » des chefs de service et de pôle et la mise en place de recommandations d’encadrement dans les services. En Ehpad, un nombre réglementaire minimum de professionnels par résident serait à définir.
Dans l’ensemble, les modes de financement nécessitent « une attention particulière et des ajustements réguliers » pour corriger les incitations ayant un effet « délétère » sur la pertinence et la qualité des soins. Enfin, la HAS propose une attention accrue sur la santé publique et la prévention, avec des plans pluriannuels, une programmation et un suivi régulier ainsi qu'un un partenariat accru avec les usagers.
Relayant le message, le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, estime cependant que les propositions du candidat Macron ne permettront pas d'améliorer l’accès aux soins. « Aujourd’hui, le gouvernement est le principal frein au développement de ces nouvelles organisations (IPA, assistants médicaux, SAS), fait-il savoir dans sa newsletter. Chacune d’entre elles est associée à de nouvelles contraintes. Le gouvernement doit de toute urgence changer de braquet et faire confiance aux médecins libéraux s’il ne veut pas être le seul responsable du naufrage annoncé par la HAS ».
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