De la stratégie nationale au plan Ma santé 2022

2018, un tourbillon de réformes

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Publié le 20/12/2018
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

En matière de politique de santé, 2018 restera comme une année particulièrement fertile, du moins au regard des chantiers lancés.    

Mi-février, à l'hôpital Simone Veil d'Eaubonne (Val d'Oise), le premier ministre présente sa stratégie de transformation du système de santé dans un grand discours de la méthode. Édouard Philippe égrène les « faiblesses » françaises avant de décliner cinq axes « pour passer d'un système cloisonné, fondé sur les soins curatifs tarifés à l'acte, une course aux volumes et une régulation budgétaire à un système tourné vers la prévention, la coordination, la qualité, l'accès aux soins ».

Les têtes de chapitres sont dévoilées : qualité des soins et pertinence des actes ; nouveaux financements pour mettre fin à la logique inflationniste, en ville comme à l'hôpital (objectif 50 % maximum de tarification à l'activité) ; virage numérique ; adaptation des ressources humaines ; enfin, réorganisation territoriale. La méthode ? Trois mois de concertation…

Calendrier élastique

Le 16 avril, Emmanuel Macron affirme que des décisions précises seront annoncées « fin mai » pour « redonner de la cohérence » à un « hôpital étranglé par un système devenu comptable ». Plan hôpital, plan global ? Le monde de la santé se perd en conjectures d'autant que le calendrier reste flou et élastique.  

Le 9 juillet, devant le Parlement réuni en Congrès, le chef de l'État confirme une « transformation en profondeur » du système de santé « à l'automne ». Cette réforme se veut systémique puisqu'elle devra « répondre aux nouveaux risques, aux nouvelles pathologies, aux transformations de notre santé dans une société qui vieillit et où les maladies chroniques sont beaucoup plus nombreuses ».

À peine rentrée de ses courtes vacances, la ministre de la Santé prépare le terrain, d'abord en s'adressant au secteur hospitalier inquiet. « Il n'y aura pas de fermeture d'hôpital », rassure Agnès Buzyn sur France Info. Même discours pour les services d'urgences dont beaucoup craignent de mettre la clé sous la porte. « La proposition que nous allons faire, ce sont des organisations territoriales où des groupes de médecins, avec les hôpitaux de proximité, pourront être en charge d'une population sur un territoire », dévoile-t-elle. 

Du lourd et des symboles

Il faudra attendre le 18 septembre pour découvrir le plan Ma santé 2022 annoncé par l'exécutif. Au programme, ni réforme monosectorielle ni loi fourre-tout immédiate mais une cinquantaine de mesures – législatives, réglementaires, conventionnelles, statutaires – censées reconfigurer le système de santé de la cave au grenier. 

Le menu, conséquent, prévoit la suppression du numerus clausus et de la PACES dès 2020 ; un nouveau maillage des soins (autour de 1 000 communautés professionnelles territoriales – CPTS – et de 600 hôpitaux de proximité labellisés et ouverts sur la ville) ; 4 000 assistants médicaux pour épauler les praticiens libéraux regroupés ; l'amorce d'une réforme des financements au forfait et à la qualité ; sans oublier un espace numérique de santé individuel, la généralisation de la e-prescription et des prises de rendez-vous en ligne !  

Dans les murs de l'hôpital, la feuille de route prévoit des mesures symboliques comme le statut unique de PH, la réhabilitation du service hospitalier ou le renforcement des CME. L'Élysée a ajouté une mesure exceptionnelle : le salariat de 400 généralistes dans les territoires « critiques »

Côté finances, l'exécutif annonce – bonne surprise – le relèvement des dépenses maladie (l'ONDAM) à 2,5 %. Le message est clair : cette stratégie ne cache pas une cure d'austérité. 

L'État très présent 

Après des réactions à chaud positives, la plupart des syndicats de médecins de ville expriment leurs doutes. Sur le papier, Ma santé 2022 affiche des objectifs difficiles à renier : renforcer le premier échelon de proximité, recentrer l'hôpital sur ses missions, décloisonner, libérer du temps médical, etc. Mais la méthode et le cap (fin de l'exercice médical en solo, montée en puissance des forfaits) portent, aux yeux de beaucoup de libéraux, la marque d'une reprise en main de l'État et de l'assurance-maladie.

Le train est lancé : la ministre de la Santé donne le coup d’envoi officiel du déploiement de la réforme à l'occasion d'une grand-messe le 19 novembre. Concrètement, dix chantiers (dont l'un concerne la préparation du projet de loi santé 2019) sont présentés à tous les acteurs. Sans attendre, les travaux sont engagés sur quatre dossiers « prioritaires ». Il s'agit du développement des CPTS et de la création des premiers assistants médicaux ; du financement de 400 postes de généralistes à exercice partagé ville/hôpital en zone sous-dense ; de la définition du modèle des hôpitaux de proximité ; enfin de la réforme des études. 

Cette urgence se décline dès le budget de la Sécu 2019, voté à l'automne, qui prévoit l’ouverture rapide de négociations conventionnelles pour créer les fonctions d’assistant médical et financer les CPTS. À l'hôpital, la même loi Sécu entérine la mise en place de forfaits pour la prise en charge hospitalière du diabète et de l’insuffisance rénale chronique. Le projet de loi dédié à la stratégie Ma santé 2022 sera déposé au Parlement « début 2019 ». Une autre année déjà…

Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin: 9712