20 ans après les ordonnances honnies, le retour en grâce chez les libéraux ?

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Publié le 23/06/2016
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juppe 1995

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les syndicats de médecins libéraux semblent accorder du crédit au programme 2017 d'Alain Juppé même si le traumatisme du plan de 95/96 reste présent.

Le président de la CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, manie l'ironie. « On ne peut qu'être d'accord avec son programme en faveur de la médecine libérale. Malheureusement, on ne pouvait aussi qu'être d'accord avec celui de Marisol Touraine qui promettait le virage ambulatoire, mais qui organise tout autour de l'hôpital… ». Même prudence chez le Dr Éric Henry, patron du SML : « J'espère que Juppé a pris conscience de l'enjeu et qu'il fera ce qu'il dit. Sarkozy aussi, en son temps, avait beaucoup promis ». Le Dr Claude Leicher, président de MG France, estime mi-figue mi-raisin qu'« on peut toujours faire confiance à un politique, mais à ses risques et périls ».

Le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML, décèle toutefois chez l'ancien Premier ministre une forme de péché originel : « Alain Juppé est le père de l'ONDAM, rappelle-t-il. Or cet outil est un échec total ». Seul le Dr Jean-Paul Hamon (FMF) délaisse ces précautions oratoires et tente de cerner la personnalité du candidat à la primaire des Républicains. « Il a été loyal avec Chirac sans jamais se plaindre, confie-t-il. C'est un bon point qui annule 1995. »

Douloureux souvenirs

Le programme juppéiste que révèle « le Quotidien » a été analysé par les syndicats. Le Dr Ortiz juge intéressant l'ambitieux volet ambulatoire même si 1995 reste dans les mémoires. « Le plan Juppé a laissé de douloureux souvenirs », ressasse-t-il. Le Dr Leicher assure ne pas vivre « dans le traumatisme de 95. L'échec de Juppé, ça a plus été sa réforme des retraites que son projet d'enveloppe honoraires/prescriptions ».

Le patron de MG France prévient que l'ancien Premier ministre devra se montrer souple avec les médecins pour regagner leur confiance : « Il devra leur redonner la main en laissant les professionnels mettre en œuvre eux-mêmes sur le terrain la politique tracée ». Le Dr Hamon adhère aux priorités affichées par Alain Juppé pour 2017, à l'exception du volet MSP : « Ces maisons de santé sont les héritières des dispensaires du XIXsiècle, fermés en raison de leur coût ». Jérôme Marty (UFML) garde une dent contre Alain Juppé. « Il flatte le libéral car il est en campagne, mais tant qu'il ne sortira pas l'enveloppe tarifaire du périmètre de l'ONDAM, il n'arrivera à rien ».

Accents de sincérité

Jean-Paul Ortiz reconnaît qu'Alain Juppé « avait des accents de sincérité » lorsqu'il a fait pour la première fois son mea culpa en septembre à La Baule. Mais le patron de la CSMF prévient : « S'il est élu, il devra préserver et développer le système libéral et ambulatoire, le plus efficient et le mieux disant ». Le Dr Leicher apprécie « sa proposition de mixer les revalorisations d'acte et les forfaits. C'est astucieux, ajoute-t-il, c'était une demande de MG France. »

Paradoxalement, son âge (70 ans) pourrait être un atout pour Alain Juppé. « Ça lui donne de la sagesse et une certaine légitimité », estime Éric Henry. « Il s'est engagé à ne faire qu'un seul mandat, donc, pas de risque de clientélisme », enchérit Jean-Paul Hamon. Le patron de la FMF milite même pour un ticket associant Alain Juppé à l'Élysée et Nathalie Kosciusko-Morizet à la santé. « Mon favori, c'est Juppé », conclut le patron de la FMF.

Henri de Saint Roman

Source : Le Quotidien du médecin: 9507