L'agence nationale du médicament (ANSM) lance une grande campagne d'information sur la consommation de médicaments pendant la grossesse, « la première du genre », selon sa directrice générale Christelle Ratignier-Carbonneil. Le mot d’ordre : « préparer sa grossesse et ne pas rester seule face au médicament ». Les chiffres présentés par l'agence font en effet état d'un taux d'automédication de 36 % chez les femmes enceintes de leur premier enfant, dont 23 % ont recours à des médicaments issus d’anciennes prescriptions. Le taux d'automédication grimpe à 48 % chez les femmes enceintes de leur second enfant et à 89 % parmi les femmes ayant un projet de grossesse dans l’année.
La campagne se décline sous forme d'affiches et de vidéos sur les réseaux sociaux, d'échange avec les associations et de messages dans les médias visant à modifier les comportements des femmes et des professionnels de santé.
Chaque année, la France compte 900 000 grossesses, et « une femme va prendre en moyenne neuf médicaments différents au cours de sa grossesse, et 90 % des femmes enceintes vont avoir au moins une prescription », explique Christelle Ratignier-Carbonneil. Selon les enquêtes d'opinion menées en 2019 et 2020 par l'institut Viavoice sur respectivement 1 586 et 2 000 femmes pour le compte de l'ANSM, la plupart des femmes ont conscience des risques liés aux médicaments (huit femmes sur dix), mais avec une compréhension imprécise des moments à risques, un rapport ambivalent aux médicaments et un recours inégal à l’automédication.
Une femme sur deux s'estime bien informée
Les investigateurs ont tenté d'évaluer le « niveau d’information ressenti » des participantes à l'enquête. Il en ressort que près d'une femme sur deux évalue correctement le risque lié à la prise d'un médicament lors du premier trimestre de grossesse et seulement quatre femmes sur dix pensent que les traitements naturels, l’homéopathie, les produits à base de plantes et les huiles essentielles comportent des risques lors d’une grossesse. Certains de ces produits contiennent des substances neurotoxiques, telles que les terpènes, du camphre et des cétones. Enfin, seulement deux femmes sur dix estiment prendre un risque pour leur bébé en s’automédiquant.
Les enquêtes révèlent en outre un relatif sentiment de manque d'information, puisque seules trois femmes sur dix déclarent de manière affirmée se sentir suffisamment informées sur les risques liés à la prise de médicaments pendant la grossesse. Un chiffre à comparer aux sept femmes sur dix qui déclarent de manière affirmée se sentir suffisamment informées sur les risques liés à la consommation d’alcool ou de tabac. Ce déficit d'information est à l'origine de surréaction. Ainsi, près de 4 femmes sur 10 estiment qu'il faut stopper tout traitement médical dès lors que l'on se sait enceinte.
Un point positif ressort de l'enquête : les professionnels de santé sont toujours identifiés comme la première source d'information. Le gynécologue ou la sage-femme sont cités dans 69 % des cas, le médecin traitant dans 68 % des cas, le pharmacien dans 53 % des cas, et l'entourage dans 33 % des cas.
« L’enjeu de la campagne est de s'adresser aux femmes enceintes et au futures femmes enceintes, mais aussi aux professionnels de santé, détaille Christelle Ratignier-Carbonneil. Il faut un réflexe de discussion entre patientes et professionnels de santé et que l'on insiste sur les quatre règles d'or : je prépare ma grossesse avec la sage-femme, je ne fais pas d'automédication, j'échange avec mon professionnel de santé et j'informe TOUS les professionnels de santé avant la grossesse ».
Informer dès le premier trimestre
C'est au cours du premier trimestre que le risque fœtotoxique lié à la prise d'un médicament est le plus élevé, même si ces effets ne se matérialisent qu'au 2e ou 3e trimestre. Or, « il est fréquent que les femmes enceintes ne parlent pas de leur grossesse lors d'une consultation médicale avant la fin du premier trimestre », explique la directrice générale de l'ANSM.
Les principaux médicaments fœtotoxiques appartiennent à la classe des AINS, des inhibiteurs de l'enzyme de conversion et des sartans. Dans certains cas, le risque pour l’enfant diffère selon la période de la grossesse, à l'image de l’ibuprofène qui peut être pris dans certains cas au début mais qui est formellement contre-indiqué après le 5e mois.
Les médecins disposent de ressources en lignes pour guider leur prescription chez la femme enceinte, tel le site du CRAT (centre de référence sur les agents tératogène) qui est utilisé par les plus grands spécialistes, du MIT à Aulnay-sous-Bois.
L'impact de la prise de médicaments au cours de la grossesse est mal connu : « dans notre base de pharmacovigilance qui est déclarative, on dénombre 500 cas d'événements indésirables, mais ce chiffre est sans doute sous-évalué », note Christelle Ratignier-Carbonneil.
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