NUL DOUTE, les médicaments contrefaits ne soignent pas : ils peuvent handicaper, voire tuer les patients. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les définit comme étant des médicaments « délibérément et faussement étiquetés en vue de tromper les utilisateurs quant à leur identité et leur source ». Les spécialités sont concernées, mais aussi les génériques. Et les faux médicaments peuvent contenir aussi bien des ingrédients appropriés qu’inappropriés (de mauvaise qualité, toxiques). Parfois, ils sont peu ou trop dosés en principes actifs, dans d’autres cas, ils n’en contiennent pas du tout. Enfin, leur conditionnement peut être falsifié.
Le trafic de faux médicaments provoquerait, à lui seul, le cinquième du million des victimes annuelles du paludisme, soit 200 000 morts chaque année. L’OMS ne dispose pas d’autres données précises sur les dégâts engendrés par les médicaments contrefaits. Mais, à l’évidence, les pays du Sud y sont particulièrement vulnérables, comme en témoigne le Pr Idrissou Abdoulaye, directeur général du Centre national hospitalier universitaire de Cotonou, au Bénin : « Nos frontières sont poreuses. Notre pays est très touché par tous les types de crises : deux personnes sur trois y vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un médicament consommé sur 4 est contrefait. »
Pour contrer ce fléau, le pays n’est pas resté inactif et l’aide internationale a fait son chemin. Il y a une dizaine d’années, la Fondation Pierre Fabre a accompagné le Bénin en travaillant sur un laboratoire national de contrôle de qualité des médicaments, pour assainir le marché officiel. Un laboratoire, aujourd’hui, renforcé grâce au soutien de la Fondation Chirac dont l’« appel de Cotonou », lancé le 12 octobre 2009, incite les pays signataires à se saisir politiquement du trafic de faux médicaments. Mais les efforts doivent se poursuivre. « Nous souhaitons renforcer nos structures d’approvisionnement en médicaments et sensibiliser nos populations afin qu’ils optent, plus volontiers, pour l’achat de génériques de qualité présents dans nos officines au lieu de se procurer des produits contrefaits sur le marché. Une grande partie de notre population, surtout les jeunes, connaît, désormais, le danger des faux médicaments », note le Pr Idrissou.
Des associations aident également à favoriser l’accès aux médicaments de qualité dans les pays du Sud. C’est, par exemple, le cas de la Centrale humanitaire médico-pharmaceutique (CHPM), une centrale d’achats qui met à disposition des associations humanitaires des médicaments génériques à bas coûts. Et qui dispose d’un laboratoire de contrôle de qualité des médicaments. « Nous proposons – aux pays qui ne disposent pas de ce type de laboratoires – d’organiser des contrôles de la qualité de leurs médicaments et de détecter, pour eux, d’éventuelles contrefaçons », indique Hélène Degui, directrice du CHMP.
Dans les pays industrialisés aussi.
Les contrefacteurs ne connaissent pas les frontières. Les douaniers ont souvent affaire à des organisations criminelles globalisées, bien organisées et imprévisibles. « Du jour où lendemain, celles-ci changent toutes les données les concernant : les routes qu’elles empruntent pour livrer leurs faux médicaments, la nature des produits qu’elles proposent... », souligne Christophe Zimmermann, coordinateur de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie à l’Organisation mondiale des douanes.
Au sein de l’Europe, les douanes ont intercepté 117 millions de contrefaçons en 2009 (dont 18 millions de produits dangereux pour la santé), contre 10 millions en 1998. Récemment, l’organisation de police internationale, Interpol, a saisi plus d’un million de médicaments contrefaits après une série de missions menées pendant une semaine dans 45 pays, dont la France. « Malheureusement, ce ne sont plus seulement des médicaments de confort qui sont commandés par Internet, mais tous types de produits : antibiotiques, antidépresseurs, anticancéreux, antidiabétiques...», affirme Aline Plançon, chef de l’unité Contrefaçon de produits de santé et crime pharmaceutique d’Interpol.
Comparée aux États-Unis et à certains pays européens, la France reste plutôt préservée des médicaments contrefaits : la sécurité de sa chaîne de distribution et le remboursement de l’assurance-maladie la protègent contre ce fléau. Aucun faux médicament ne s’est infiltré dans son réseau officinal. Toutefois, une quarantaine de cas de pharmacovigilance ont été signalés pour des médicaments achetés sur Internet. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a d’ailleurs mis en place un dispositif de veille pour les médicaments vendus par Internet et collabore, sur ce sujet, avec les autorités judiciaires, policières et administratives.
Portail sécurisé.
Au sein de l’Union européenne, une directive sur les médicaments falsifiés est également en cours de discussion. Elle pourrait conduire tous les pays de l’Union, dont la France, à accepter la création d’une sorte de cyberpharmacie. Ce qui nécessitera de mettre en place des garanties de sécurité pour le consommateur. « L’Ordre des pharmaciens est en train de réfléchir, avec ses partenaires, à l’idée d’un portail sécurisé, annonce Alain Delgutte, président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Bourgogne. Ainsi, pour se rendre sur le site Internet d’une pharmacie vendant ses produits en ligne, l’internaute devrait passer par un portail garantissant la sécurité des produits proposés. Ces sites de vente de médicaments devront aussi être obligatoirement adossés à une pharmacie réelle et donc contrôlés par un pharmacien. Un code Data Matrix sera également obligatoire sur chaque boîte de médicament. En France, à partir du 1er janvier 2011, il comportera notamment le numéro de lot et la date de péremption. Nous sommes en train de réfléchir à l’amélioration de la traçabilité de la boîte en intégrant – dans ce code Data Matrix – le lieu de fabrication du médicament, le nom de l’entreprise qui l’a distribué et celui de l’officine qui l’a délivré. Cela permettrait au consommateur ayant acheté un médicament sur Internet, d’en faire vérifier le code Data Matrix auprès d’une officine, pour s’assurer que le produit en question n’est pas contrefait. »
* Source : Organisation Mondiale des Douanes (OMD).
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