Après une première vague de chasse aux « prescriptions atypiques » d’indemnités journalières en 2012, l’assurance-maladie lance une nouvelle opération pour contraindre les gros prescripteurs à lever le stylo. Les remboursements d’IJ ont progressé de 3,5 % sur les sept premiers mois de 2014, selon la CNAM.
« Des centaines de libéraux de toute la France ont reçu juste avant l’été une lettre de leur CPAM leur indiquant que leur taux de prescriptions d’IJ était supérieur à la moyenne », affirme le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp, de la Fédération des médecins de France (FMF).
Dans ce courrier, l’assurance-maladie pointe le nombre d’IJ prescrites et le compare à la moyenne départementale ou régionale. La particularité de l’exercice, le type de patientèle, le lieu d’exercice ne sont pas pris en compte. Les caisses proposent deux options à ces praticiens : la mise sous accord préalable (MSAP) ou la mise sous objectif (MSO, voir ci-contre).
Plusieurs médecins qui ont reçu ce courrier se sont confiés au « Quotidien ». « Ils ont épluché mes prescriptions entre septembre 2013 et janvier 2014 », explique le Dr Bertrand Étienne, généraliste à Guipry (Ille-et-Vilaine). Lui qui exerce en zone sous-médicalisée, a réalisé sur cette période 3 fois plus de consultations que la moyenne régionale. Et il a prescrit... trois fois plus d’arrêts de travail (9 202 contre une moyenne de 3 141 pour ses confrères. « J’ai déjà été mis sous MSO en 2012, explique le praticien, j’ai baissé mon quota d’IJ, tous mes arrêts de travail ont été validés par le médecin-conseil, mais ce n’est toujours pas suffisant ».
Le couteau sous la gorge
Le Dr Étienne regrette que la spécificité de sa patientèle, essentiellement composée d’actifs aux métiers manuels, ne soit pas prise en compte. Le Dr C., femme généraliste exerçant en zone rurale en Vendée, a mal vécu la pression de sa caisse. « Ils m’ont mis le couteau sous la gorge en exigeant que je baisse de 30 % mes prescriptions d’IJ », témoigne-t-elle. Le médecin-conseil lui aurait suggéré de proposer le statut d’invalidité à ses patients en arrêt maladie longue durée. « C’est leur demander de se tirer une balle dans le pied en acceptant d’être moins bien indemnisés », s’insurge-t-elle.
Dans le Vaucluse, le Dr N. devrait, d’après les calculs de sa caisse, diviser par deux ses prescriptions d’IJ. Il ne voit que deux solutions pour y arriver. « Je peux mettre fin aux longs arrêts de travail de certains de mes patients. Ils seront obligés de retourner travailler, ne pourront pas tenir leur poste et seront licenciés. Je peux aussi m’en débarrasser purement et simplement en leur demandant d’aller se faire soigner ailleurs ».
L’appel au boycott du téléservice
Les médecins n’entendent toutefois pas céder aux intimidations. Dans le Loir-et-Cher, le Dr Georges Delamare (60 ans) ne supporte pas d’être « comparé à un délinquant » et assure qu’il ne laissera pas sa CPAM dicter sa pratique. Si la caisse persiste, prévient-il, « on va tous dévisser notre plaque. J’exerce dans une ZUP près de Blois, je ne suis pas près d’être remplacé ».
Les syndicats de médecins libéraux sont vent debout contre l’initiative de la CNAM. MG France dénonce « une vaste campagne de culpabilisation ». Il demande aux généralistes de ne plus utiliser le téléservice d’arrêt maladie en ligne et de refuser la procédure de mise sous objectif. La CSMF enjoint également l’assurance-maladie de mettre fin à « l’arbitraire » du délit statistique. Contactée, la CNAM n’a pas été en mesure de répondre au « Quotidien ».
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