Une « super convention » qui ouvre la voie à de nombreux partenariats, selon le Pr Chakib Nejjari, président de l'UM6SS ; « Une politique collaborative qui couronne des siècles d'amitié », a salué le Pr Claude Jaffiol, président de l'ANM sans cacher l'attachement sincère qu'il voue au Maroc, pays de son épouse Amina Benouargha.
Les deux signataires de la convention bilatérale qui lie désormais la rue Bonaparte avec l'UM6SS n'ont pas eu de mots trop élogieux pour vanter les mérites de l'amitié franco-marocaine. Et pour dire les espoirs qu'ils placent dans des projets communs et des échanges de savoirs et de personnes.
« La France est pour nous un pays de référence, celui des Lumières ; tous les médecins marocains ont été formés en France au XXe siècle – la première faculté n'a été créée à Rabat qu'en 1962 ; les médecins marocains perpétuent la tradition française », explique le Pr Najia Hajjaj-Hassouni, membre correspondant de l'Académie de médecine de France, directrice du Centre d'innovation de l'UM6SS. Le Pr Hajjaj-Hassouni qui a elle-même étudié à Cochin avant d'être une décennie durant, doyenne de la fac de Rabat, précise que l'enseignement de l'UM6SS se fait en français. Pour faire briller la francophonie, alors que l'influence de l'anglais grandit. « La France n'a pas vraiment conscience de ces enjeux », regrette-t-elle.
En outre, la convention, signée devant une quinzaine de médecins d'Afrique sub-saharienne, sert la nouvelle stratégie internationale du royaume, revenu dans l'Union Africaine en janvier 2017 (après une vacance de 33 ans) : « Nous voulons être un relais, un pont entre l'Europe et l'Afrique », explique le Président de l'UM6SS. L'UM6SS est l'incarnation de cette vision : inaugurée il y a deux ans dans un quartier qui a vocation à devenir « La défense » de Casablanca, reliée à l'hôpital privé à but non lucratif Cheikh Khalifa bin Zayed, l'Université se veut un hub africain. L'établissement, également privé, tisse des conventions bilatérales tous azimuts sur le continent (Sénégal, Gabon, Burkina Faso, Mali, Togo, Côte d'Ivoire, Congo, Guinée Conakry, et prochainement, Sud-Soudan, Rwanda, Nigeria) et entend « rattraper le retard » que le Maroc accuse en Santé (ne serait-ce que dans la formation des médecins – le pays ne comptant que 23 000 praticiens pour 35 millions d'habitants).
Défis internationaux
Parler médecine depuis l'Afrique révèle, impose même, des préoccupations communes, qui appellent des réponses conjointes. Comme le changement climatique, un « phénomène inéluctable, sans retour en arrière possible », a rappelé le Pr Denis Bard, Président de la société française de santé et environnement, qui provoque l'extension des maladies vectorielles et infectieuses, des problèmes de nutrition, des maladies cardio-respiratoires, des situations de stress, sans parler des migrations et des conflits, qui touchent au premier plan les plus vulnérables.
Autre combat à mener de concert : la lutte contre les médicaments falsifiés et faux, responsables de 700 000 à 800 000 morts par an. « Le plus gros marché noir, face auquel l'OMS est un phare éteint », a déploré le Pr Marc Gentilini. L'Afrique est « le terrain de jeu » des malfaiteurs, en raison de la pauvreté, la corruption, l'absence de couverture maladie universelle ou d'un réseau de pharmacie, mais tous les pays sont concernés, a rappelé l'ancien président de l'Académie. La convention Médicrime, du 28 octobre 2011, a recueilli 27 signatures, dont celle du Maroc, en 2012. « Quand sera-t-elle ratifiée et appliquée ? », demande-t-il. En attendant une riposte globale, les sentinelles restent… les populations à sensibiliser, conclut-il.
Dialogue sur l'accès aux soins, le diabète, le cancer…
Après la dimension internationale, le bilatéral. Les partenariats et échanges avec la France peuvent s'avérer précieux à l'Afrique pour relever certains défis. Comme celui de l'accès aux soins. C'est ainsi que le Malien Ogobara Doumbo a su capitaliser sur les forces de son pays et son expérience en France, aux côtés des médecins de famille de l'arrière-pays marseillais (il a participé à la fondation en 1984 de Santé Sud), pour fonder l'Association des médecins de campagnes en 1993 (AMC), qui recense aujourd'hui plus de 250 médecins maliens installés sur (presque) tout le territoire pour subvenir aux besoins des campagnes et des périphéries (soit 4,5 millions d'habitants) et même suivre le VIH, l'HTA, le diabète, l'épilepsie, la drépanocytose… L'OMS a validé en 2008 le modèle ; la consécration est venue avec le prix d'excellence en santé publique du prince Mahidol de Thaïlande en 2011. Le modèle est répliqué par Santé Sud à Madagascar, au Bénin, en Guinée, bientôt au Sénégal. Et la France ? « il y a des compagnonnages entre médecins maliens et généralistes français, l'Agence française du développement (AFD) soutient l'informatisation des médecins et nous avons l'espoir à terme d'accompagner 1 000 médecins de campagnes », répond le Pr Doumbo.
Sur le plan scientifique, la prise en charge des maladies chroniques, comme le diabète (dont la prévalence atteint 10 % au Maroc, vs 5 % en France en 2015), les cancers, la santé mentale, ou encore la vaccination, sont au cœur des discussions bilatérales. Attention néanmoins à ne pas distinguer artificiellement maladies non transmissibles et transmissibles, et à occulter ces dernières, prévient le Pr Gentilini, notamment dans une Afrique écrasée sous le poids démographique. « On ne peut se désengager ; nous devons poursuivre des politiques de solidarité, de co-opération, avec les pays qui le demandent », exhorte-t-il.
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