Les prisonniers disposent aujourd’hui des mêmes droits en matière de santé que toute la population, mais le manque de personnel et de moyens financiers, aggravé par la surpopulation carcérale, empêche souvent la concrétisation des objectifs inscrits dans la loi.
La France a d’ailleurs été condamnée plusieurs fois par la justice européenne pour des manquements ou des défauts de soins à l’encontre de prisonniers, la situation étant encore plus difficile pour les prisonniers souffrant de handicaps. Comme l’a rappelé le Dr Élise Gaugler, praticien hospitalier exerçant à la maison d’arrêt de Strasbourg, les problèmes de place et de moyens sont aggravés par la forte prévalence des addictions, avec 40 % d’usagers de substances illicites, en plus des produits légaux, mais aussi la promiscuité, le manque d’hygiène et les pratiques sexuelles à risque. Si les médecins parviennent à remplir leurs missions de soins et de suivi, leur mission de promotion de la santé reste, faute de temps, le plus souvent théorique. Pourtant, souligne-t-elle, malgré les contraintes de ce type d’exercice, travailler en prison est très formateur pour le médecin, qui va rencontrer une population « invisible » dans le monde extérieur et des affections quasi inexistantes en ville. « Parfois, c’est aussi la santé qui est emprisonnée », poursuit-elle, même si la situation strasbourgeoise est réputée meilleure qu’ailleurs. Si les problèmes de secret médical et d’interprétariat sont souvent difficiles à résoudre, certaines difficultés pourraient être plus facilement aplanies. Ainsi, par exemple, les détenus n’ont pas le droit d’appeler le médecin, mais doivent… lui écrire. Ce qui est parfois ubuesque ne serait-ce qu’en regard de leur taux d’alphabétisation.
Double exclusion
En outre, notait le Dr Jean Christophe Coujitou, responsable du service régional de psychiatrie pénitentiaire, le prisonnier atteint d’une affection psychiatrique est doublement exclu de la communauté, à la fois du fait de sa maladie et du fait de sa détention. Mais réfléchir à l’amélioration de la situation carcérale, c’est aussi se garder de toute généralisation et de tout « romantisme », tempérait ce médecin en répondant à quelques étudiants, avant que le débat n’aborde les règles « non écrites » qui régissent aussi la vie quotidienne derrière les barreaux. Certains surveillants s’arrogent parfois le droit d’empêcher un détenu d’aller voir un médecin, mais il est extrêmement difficile de détecter ce genre de comportement. De même, les mutilations que s’infligent certains prisonniers « qui n’ont que leur corps pour agir sur leur environnement », et qui vont jusqu’à coudre leurs lèvres et placer des lames de rasoir entre leurs gencives, témoignent de l’ampleur de leurs souffrances et posent des questions tant médicales qu’éthiques aux soignants qui y sont confrontés… Des réalités dures mais mal connues, qui illustrent là aussi, comme le soulignait Me Dilbadi Gasimov, avocat au barreau de Strasbourg, le fossé permanent entre la conformité législative et la pratique et les moyens d’action.
(1) Réunissant des médecins et des juristes, la prochaine conférence aura lieu le 9 mars de 18 à 20 heures, sur le thème de l’accès aux soins, à la Faculté de Droit, place d’Athènes à Strasbourg, et la suivante, au même endroit, sur la PMA le 15 mars de 19 à 21 heures.
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