« Certes, il n'y aura pas d'unanimité ; mais l’équilibre, l’équilibre et encore l’équilibre, voici l’horizon que dessine ce texte, que chacun doit examiner avec sa sensibilité, mais aussi avec l'idée de l'intérêt général », avait espéré Adrien Taquet, secrétaire d'État à l'enfance, mardi 2 février, lors de l'ouverture de l'examen en deuxième lecture du projet de loi de bioéthique par les sénateurs.
À l’opposé de ces vœux, le Sénat, durcissant sa ligne conservatrice, a adopté dans la nuit du 3 au 4 février - un an après son vote en première lecture ! - un texte particulièrement transformé par rapport à la version présentée par le gouvernement l'été 2019, amputé notamment de sa mesure emblématique, l'ouverture de l'assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes seules. « Ce texte, vous l'adoptez sans nous parce que ce texte c'est le résultat d'un gâchis », a lancé le rapporteur socialiste (et médecin généraliste de formation) Bernard Jomier à la majorité de droite qui a voté le texte à main levée. « Un texte complètement dénaturé », a vilipendé le sénateur Thani Mohamed Soilihi (RDPI).
Une commission mixte paritaire doit désormais être réunie pour tenter de trouver un accord entre sénateurs et députés. En cas d'échec, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.
Exit l'AMP et l'autoconservation ovocytaire pour raison non médicale
Au terme de deux jours de débats confus, les sénateurs ont donc supprimé l'article ouvrant l'accès à l'AMP, de façon remboursée, à toutes les femmes, le remplaçant par la formule « Il n’existe pas de droit à l’enfant ».
Dans la même logique de rejet d'une ouverture de l'AMP à des indications autres que « médicales », les sénateurs ont évincé la possibilité d'autoconserver ses gamètes.
En termes de filiation dans un couple de femmes, ils ont voté pour une procédure d'adoption accélérée de la part de la mère qui n'a pas accouché (alors que le gouvernement souhaite une reconnaissance anticipée conjointe devant notaire pour se rapprocher du dispositif en vigueur pour les couples hétérosexuels). Mais les discussions ont tourné court, puisque cet article n'a de sens que par rapport à l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes.
Interdiction des « embryons chimères »
Comme en première lecture, les sénateurs ont supprimé la possibilité ouverte par les députés de recourir à des outils de modification ciblée du génome (type CRISPR-Cas9) dans la recherche, et la possibilité d'insérer des cellules souches humaines dans des embryons animaux, ce que les chercheurs en génétique et génomique demandaient.
La ministre de la Recherche Frédérique Vidal avait pourtant essayé de les convaincre, regrettant un débat « captif de représentations et de mythes » : « Nous interdisons l'adjonction de cellules animales dans l'embryon humain. En revanche, introduire des cellules souches humaines dans un embryon animal est pertinent pour observer dans le vivant les mécanismes de la différenciation », d'autant plus que la loi fixe à 14 jours la durée limite d'observation du développement des embryons humains, avait-elle explicité en amont des débats le 2 février.
Rares exceptions au travail de réécriture : le Sénat a suivi l'Assemblée nationale dans sa volonté de fixer une durée de conservation de cinq ans pour les embryons cédés à la recherche ; et son souci de proposer une prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital.
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