En dépit de l’interdiction absolue, depuis 2015, de toute « assistance au suicide », le débat sur l’aide à la fin de vie a été relancé par un arrêt de la plus haute juridiction administrative du pays, qui enjoint l’Agence allemande du médicament, de permettre, dans certains cas, à des patients incurables en fin de vie d’obtenir un médicament létal pour abréger leurs souffrances.
Lors de son congrès annuel, l’Ordre des médecins, traditionnellement hostile à toute forme d’euthanasie, s’est alarmé de cette « dérive » et a enjoint le gouvernement d’y mettre un terme.
Une décission de la Cour européenne de 2012
En 2004, une femme, devenue quadriplégique et sous assistance respiratoire après un accident, demanda aux autorités sanitaires de l’autoriser à se procurer une dose létale de pentobarbital, ce qu’elles refusèrent en dépit du renouvellement de la demande de la patiente et de son mari, la loi prohibant une telle action. La patiente se rendit alors en Suisse, où l’euthanasie est légale, obtint son produit et y mourut en 2005. Mais son époux fit néanmoins appel du refus de de l’autorisation de se procurer ce produit par des voies légales dans son pays, et l’affaire finit par aboutir devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg. Celle-ci, en 2012, lui donna raison non sur le fond mais sur la forme : selon la Cour, l’Agence du médicament aurait dû instruire le dossier plutôt que de le déclarer d’emblée irrecevable, et l’Allemagne fut condamnée pour avoir attenté, à cause de ce refus, au respect de la vie familiale et privée du plaignant.
Fort de cette décision, le mari de la patiente a demandé une révision des procès cassés par l’arrêt européen de 2012, et, en mars 2017, le tribunal administratif fédéral lui a donné de gain de cause : selon cette haute instance, tout individu bénéficie en effet d’un « droit à l’autodétermination » garanti par la Constitution. La demande de la patiente, restée en pleine possession de ses facultés intellectuelles, était donc fondée, sans qu’elle soit assimilée pour autant à une demande d’euthanasie. Toutefois, a ajouté le tribunal, ce droit ne peut s’appliquer que dans des situations désespérées, sans issue thérapeutique possible, et uniquement lorsque le patient exprime clairement sa décision.
Déjà 24 demandes de patients
Pour l’Ordre des médecins, comme pour tous les adversaires de l’euthanasie, cette décision revient à confier à la justice le choix de déterminer si un patient se trouve ou non dans une situation sans issue, alors qu’elle n’a aucune compétence médicale pour cela. Le Président de l’Ordre, le Pr Montgomery, voit dans cet arrêt une remise en cause des lois existantes, et redoute de voir l’Agence du médicament se transformer en « distributeur de poison » au gré des décisions des tribunaux. De plus, il relève que ce qui devait rester « exceptionnel » ne l’est déjà plus : depuis ce printemps, pas moins de 24 patients se sont engouffrés dans la brèche et ont fait une demande à l’Agence pour obtenir des produits létaux afin de mettre un terme à leur existence.
Le ministre de la Santé, Hermann Gröhe, déplore lui aussi cette décision du tribunal. Il a promis aux médecins de légiférer à nouveau sur ce thème, afin de refermer ce qui apparaît bien comme une faille dans le dispositif légal très strict encadrant la fin de vie en Allemagne : outre l’arrêt des traitements à la demande « éclairée » du patient ou de ses proches, seuls les soins palliatifs peuvent être proposés aux patients, toute euthanasie « active » ou « passive », impliquant notamment des soignants, restant assimilée à des meurtres.
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