On aurait pu craindre un recul de la contraception. Selon l’enquête Fécond (Inserm/Ined) réactualisée en 2013 à la demande expresse du ministère de la Santé, financée par l’Inpes et réalisée par téléphone chez 4453 femmes et 1587 hommes, la crise médiatique autour du risque de thrombose des pilules de dernière génération s’est traduit différemment.
Si «aucune désaffection vis-à-vis de la contraception n’a été observée» avec une diversification des pratiques contraceptives, l’auteur principal Nathalie Bajos, sociologue et démographe à l’Inserm et à l’Ined, s’empresse de tempérer « qu’on note une désaffection pour la pilule à l’égard de la méthode elle-même » et surtout «un creusement des inégalités sociales ». Car la crise de la pilule a fragilisé en priorité «les femmes déjà mises en difficulté par la crise économique».
La pilule en désaffection, surtout chez les jeunes
Le report de la pilule vers d’autres moyens contraceptifs ne date pas de 2013. «Le recul de la pilule avait été constaté depuis le milieu des années 2000, précise la chercheuse. Ce qui fait qu’au final en une décennie la pilule a perdu 14 points». À cela il y aurait deux raisons principales : la crise économique et l’évolution socio-culturelle. L’image de la pilule s’est nettement détériorée, sa symbolique s’est émoussée, et l’effet contraignant de la pilule est mis en avant, en particulier dans la jeune génération (‹30 ans). Les 15-19 ans ne sont que 32 % à partager l’idée que la pilule aide à vivre une sexualité plus épanouie, par rapport à 51 % chez les 45-49 ans. Certes, la moindre utilisation de la pilule, observée depuis 2010 semble bien liée à la controverse. Entre 2012 et 2013, le recours à cette méthode a baissé, passant de 50 % à 41 %, en touchant de façon quasi exclusive les pilules incriminées dans le débat. Mais les transferts vers des pilules de premières générations ont été de «très faible ampleur», avec un nombre d’utilisatrices de 2e génération passant de 22% en 2010 à 23 % en 2013.
Les pratiques se diversifient (un peu)
Au final la part de femmes n’utilisant pas de contraception est resté stable (3 %) et Marisol Touraine se réjouit dans un communiqué de la diversification corollaire des méthodes utilisées en France. Les femmes se sont tournées vers d’autres méthodes, notamment le stérilet (+1,9 points), le préservatif (+3,2 points) et d’autres méthodes comme les dates et le retrait (+3,4 points). Ces résultats sont cohérents par rapport à l’analyse de l’Ansm tirée des volumes des ventes. L’étude Fécond note une «rupture» dans la prescritption du stérilet. Si le niveau d’utilisation reste encore faible - entre 2010 et 2013, le recours est passé de 2 % à 5 % chez les femmes de 20-24 ans et de 8 % à 16 % chez celles de 25-29 ans- « il y a incontestablement un assouplissement de la norme contraceptive ». Il faut noter, que même si le paysage contraceptif s’est diversifié, la pilule reste la méthode la plus utilisée.
Des inégalités dangereuses
L’étude Fécond pointe du doigt la montée des inégalités sociales dans l’accès à la contraception. Si le ministère de la santé met en avant les mesures à destination des mineures (contraception gratuite, absence d’avance de frais), d’autres catégories sociales sont en difficulté. « Les 20-25 ans et les 25-29 ans sont les plus touchées par le chômage et/ou n’ont pas encore leur autonomie financière, détaille la chercheuse. L’absence de confidentialité avec l’assurance maladie parentale peut être un frein à consulter, l’avance du prix de consultation peut poser problème de manière plus large encore. C’est ainsi que « les catégories sociales les plus précaires ont une couverture contraceptive moins efficace, avec une plus grande utilisation des méthodes dites naturelles ». C’est le cas notamment des femmes nées en Afrique subsaharienne, qui ont fortement réduit leur usage des pilules (-39 %) pour se tourner vers ces méthodes (26 % en 2013). Ce qui fait conclure aux auteurs de l’enquête, « L’enjeu de la gratuité de l’accès aux méthodes de contraception (...) est donc plus que jamais d’actualité ».
Population et Sociétés, numéro 511, mai 2014
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