Un médecin n'est pas contraint de respecter les directives anticipées (DA) d'un patient sur son maintien en vie, lorsqu'il les juge « manifestement inappropriées ou non conformes » à sa situation médicale. Et cela est bien conforme à la Constitution, notamment aux principes de sauvegarde de la dignité de la personne et de la liberté personnelle, confirme le Conseil constitutionnel dans une décision rendue ce 10 novembre.
Alors que le président Emmanuel Macron a rouvert la discussion sur l'encadrement législatif de la fin de vie, le Conseil constitutionnel a été saisi par la famille d'un patient de 43 ans, plongé dans le coma depuis mai après un accident - patient qui, en juin 2020, avait rédigé des DA, précisant souhaiter être maintenu en vie « même artificiellement » en cas de coma.
Deux mois après son arrivée au service de réanimation de l'hôpital de Valenciennes (Nord), et après des examens approfondis et la consultation de réanimateurs extérieurs à l'équipe comme le veut la procédure collégiale prévue par la loi Leonetti-Claeys de 2016, les médecins ont estimé « inutile et même disproportionnée » la poursuite des traitements de maintien artificiel de la vie. La décision d'arrêt des soins - une ventilation mécanique, avec nutrition et hydratation artificielles - est prise le 15 juillet. L'hôpital se réfère à l'article L. 1111-11 du Code de la santé publique, dont l’alinéa 3 prévoit que les directives anticipées s’imposent au médecin sauf lorsqu’elles « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » - pour passer outre la volonté du patient.
La famille formule un premier recours contre la décision d'arrêt des soins, rejeté le 22 juillet par le juge des référés du tribunal administratif de Lille, avant d’être examiné en appel par le Conseil d’État. C'est à cette occasion qu'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été transmise au Conseil constitutionnel. La famille, rejointe par l'association Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, estime que les dispositions permettant au médecin de s'affranchir des DA (telles que formulées dans l'alinéa 3 de l'article L.1111-11), ne sont pas « entourées de garanties suffisantes ». « Imprécises », ces dispositions « conféreraient au médecin une marge d'appréciation trop importante, alors qu'il prend sa décision seul et sans être soumis à un délai de réflexion préalable », plaide la famille.
Ni imprécises, ni ambiguës
Le Conseil constitutionnel, qui n'a pas à se prononcer sur ce cas particulier, mais sur la conformité de la loi à la Constitution, juge que les dispositions qui permettent au médecin d'écarter des DA manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient ne sont ni imprécises, ni ambiguës.
Il rappelle que la décision du médecin ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale destinée à l'éclairer, inscrite au dossier médical et portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches. Et que cette décision du médecin est soumise, le cas échéant, au contrôle du juge, puisque la personne de confiance ou la famille peut exercer un recours en temps utile, dès qu'est prise une décision de limitation ou d'arrêt des traitements.
« Le Conseil constitutionnel déduit que le législateur n'a méconnu ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni la liberté personnelle », en prévoyant cette marge de manœuvre au médecin. « Considérant que les dispositions contestées ne méconnaissent pas non plus la liberté de conscience ni le principe d'égalité devant la loi, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel les juge conformes à la Constitution », lit-on.
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