LE QUOTIDIEN : Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ouvre la voie à une assistance au suicide pour les personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, avec des souffrances physiques et psychiques réfractaires, et un pronostic vital engagé à moyen terme. Qu'en pensez-vous ?
Dr FRANÇOIS ARNAULT : Je ne parlerai pas de mes convictions personnelles qui n’ont pas lieu d’être dans ce débat. D'autant que nous avons sollicité tous les conseils départementaux et régionaux sur la question.
Néanmoins, la place et le rôle que trace le CCNE pour le médecin me semblent plutôt une bonne base de réflexion. Il doit s'assurer du diagnostic et vérifier que la personne remplit les critères médicaux - les situations cliniques envisagées, par exemple certaines maladies neurodégénératives, font plutôt consensus dans leur difficulté de prise en charge. Il doit aussi s'assurer de la réalité de la volonté du patient, ce qui est très important.
Le CCNE ne détaille pas plus avant le rôle qui pourrait être celui du médecin, si une assistance au suicide était acceptée. Nous serons très attentifs : doit-il être accompagnateur ? Sûrement. Effecteur ? Je ne crois pas. Ce n'est pas son rôle. Et l'Ordre n'est pas favorable à l'euthanasie (quand l'injection létale est réalisée par le médecin, NDLR).
Vous estimez donc qu'il faut aller plus loin que la loi Leonetti-Claeys de 2016 ?
La population a une forte attente. Mais il faut que la loi protège le médecin dans l'accompagnement qu'il serait amené à faire. Cela doit passer par une clause de conscience, à l'instar de celle qui existe pour l'interruption volontaire de grossesse (IVG), avec le devoir de réorienter le patient vers un médecin qui accepte de le prendre en charge. Elle doit être spécifique, par sécurité, pour éviter toute mauvaise interprétation.
Comment comptez-vous travailler sur ce sujet dans le cadre du débat national ?
Nous sommes en train de recevoir les travaux des ordres départementaux et régionaux. Nous avons souhaité une consultation transversale, où tous les conseillers ordinaux puissent s'exprimer. Nous n'avons jamais eu autant de réponses, tous les médecins se sentent concernés !
Nous ferons ensuite une synthèse, puis nous produirons un texte présenté et voté lors du séminaire du Conseil national qui se tiendra en novembre à Toulouse. Nous allons aussi rencontrer le CCNE et nous nous rapprocherons du Parlement et du gouvernement pour leur faire part de nos propositions. Celles-ci porteront strictement sur le rôle, la place du médecin et les garanties qui lui seront apportées ; l'Ordre ne se prononcera pas sur le débat sociétal.
Plus largement, quel regard posez-vous sur la fin de vie en France ?
La France est très en retard ; il est nécessaire que chaque département dispose d'établissements dédiés à la fin de vie, avec des soignants formés et soutenus, car ce n'est pas un métier comme un autre. Il faut lutter contre ces inégalités d'accès aux soins palliatifs, par la formation, et déjà par l'application de la loi Leonetti Claeys.
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier