Paris, Troyes, Malakoff et maintenant Toulouse : depuis 2021, une poignée de cabines de téléconsultation se sont installées dans des magasins de la chaîne Monoprix. Proposé par la société Tessan, un dispositif de ce type est désormais implanté « depuis plusieurs mois » dans un supermarché de la ville rose, à deux pas du Capitole, selon la « Dépêche du midi », au grand dam de l'Ordre des médecins.
Campée au cœur du rayon parapharmacie, la cabine promet un « accès à un médecin généraliste à distance, sans rendez-vous, en moins de 15 minutes ». À l’intérieur, une caméra, mais aussi un thermomètre, un tensiomètre ou encore un stéthoscope, rapporte le quotidien régional.
Depuis avril 2021, Monoprix déploie ces cabines dans le cadre du lancement de ses espaces santé. « De la chevillère en libre-service aux objets connectés, en passant par la cabine de téléconsultation, une gamme de produits ayurvédiques ou encore des marques spécialisées CBD, Monoprix réinvente l’approche de la santé au quotidien », vantait ainsi l’enseigne de grande distribution.
« Des pratiques sauvages »
Mais la télécabine toulousaine n'est pas du tout au goût du président du conseil départemental de l’Ordre des médecins de Haute-Garonne, qui déplore « des pratiques sauvages ». Le Pr Stéphane Oustric affirme d'ailleurs au « Quotidien » que son instance « n’a jamais été consultée » par Monoprix en amont de l’installation de cette cabine. Également délégué général au numérique du Cnom, il souligne que ces télécabines « n’ont rien à voir avec la santé des patients, ce n’est que du commerce, que du business, qui répond à un appel d’offres économique ».
En réalité, le Pr Oustric ne voit dans ces téléconsultations en supermarché rien d'autre que « des actes très dégradés ». « Le médecin ne peut pas observer les éléments non verbaux, ne voit pas son patient marcher, ne fait pas d’examen et ne sait même pas qui est à côté du patient pendant la téléconsultation… », énumère le conseiller ordinal. Quant aux confrères qui téléconsultent, parfois à l’autre bout de la France ? « On perd totalement la notion de recours territorial, il n’y a aucune information sur le patient, aucune transmission », tacle encore le président de l’Ordre de Haute-Garonne.
En 2021 déjà, lors de l’implantation de la cabine malakoffiote, l’Ordre avait vivement réagi, dénonçant une dérive mercantile. « La santé n'est pas un commerce », rappelait vigoureusement alors le Cnom.
Mieux encadrer
Pour réguler la pratique, le Pr Oustric pousse - à nouveau - à la création d'un cadre, garant de la « démarche qualité », élaboré en collaboration avec les collèges de spécialités et la Haute Autorité de santé, « pour dire quels actes nous pouvons faire à distance, ou non », imagine le conseiller ordinal.
Première pierre vers davantage de régulation, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 entend déjà encadrer le fonctionnement des cabines et autres bornes de téléconsultation, en introduisant l’obligation d’un agrément ministériel pour les sociétés de téléconsultation. Un serrage de vis « favorable », selon Stéphane Oustric, « l’Ordre a poussé pour », confie-t-il.
50 installations dans les Yvelines
Malgré la rogne de l’Ordre et d’une partie des confrères, certaines collectivités continuent, elle aussi, à miser sur les télécabines. Fin novembre, c’est le département des Yvelines qui a décidé d’acquérir une cinquantaine de cabines, bornes et mallettes.
Déployés en 2023 dans le département francilien et au sein de « bus santé », ces dispositifs ont été commandés à la société de téléconsultation H4D, qui promet « aux médecins de poser un diagnostic clinique complet à distance afin de prescrire en toute sécurité ». Coût de la première année d’opération dans les Yvelines : neuf millions d’euros.
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