En 2020, plus de 19 millions de consultations à distance ont été remboursées par la Sécurité sociale. Alors que la télémédecine s'ancre dans les pratiques, dopée par la pandémie et les dérogations, la famille d’un homme décédé une semaine après une téléconsultation a porté plainte en avril contre le médecin pour homicide involontaire. De quoi relancer le débat sur la responsabilité du praticien et le risque médico-légal lors de ces téléconsultations. Nicolas Gombault, directeur général délégué du groupe MACSF, explique comment l'assureur se positionne face à cette « poche de risque ».
LE QUOTIDIEN : Avec la généralisation de la téléconsultation, avez-vous constaté une augmentation des litiges, des contentieux ?
NICOLAS GOMBAULT : Non, il n’y a pas eu d’explosion des litiges. Effectivement, nous nous attendions à avoir beaucoup plus de recours liés à la téléconsultation, mais pour l’instant la proportion reste très faible. C’est toutefois une nouvelle poche de risque que nous surveillons de près. Finalement, depuis toujours, le médecin conseille son patient par téléphone, c'est un acte qui est susceptible d’engager sa responsabilité et pour lequel il ne reste généralement aucune preuve écrite.
Quel est le motif le plus fréquent de litiges en termes de téléconsultation ?
Ils portent principalement sur des erreurs de diagnostic, comme pour les consultations en cabinet. Toutefois, le diagnostic peut devenir beaucoup plus difficile à distance, d’où l’intérêt pour le médecin d’élargir sensiblement son interrogatoire lors d’une téléconsultation. Autre conseil : ne pas se focaliser sur le seul motif de téléconsultation, pour ne pas négliger des signes importants. Il ne faut pas oublier que les peines encourues peuvent être pénales, en cas d’homicide involontaire par exemple ; et le médecin peut aussi faire face à des condamnations civiles.
Que préconisez-vous face à un patient qui n’a jamais été vu auparavant au cabinet ?
Effectivement, depuis la pandémie, la réglementation de la télémédecine a été libéralisée, de façon dérogatoire, pour permettre au médecin de soigner à distance un patient qu’il ne connaît pas. Il faut ici être extrêmement vigilant et, dans ce cas, je conseille deux choses : rallonger le temps de téléconsultation et faire systématiquement un retour au médecin traitant via un compte rendu de téléconsultation.
Pour se protéger, il faut toujours laisser une trace écrite, un compte rendu ou renseigner le dossier du patient. C’est important car cela montre que le médecin a été consciencieux.
Quelles sont les étapes clés à respecter lors d’une téléconsultation pour éviter les erreurs ?
La question la plus fondamentale à se poser est la première : « Ai-je besoin de faire un examen clinique ? » Pour y répondre, il faut être d’autant plus prudent que l’on ne connaît pas le malade, car le risque d’erreur est accru. Il faut également évaluer la capacité du patient à bien communiquer à distance – aussi bien qu'au cabinet – et recueillir son consentement.
Au début de la téléconsultation, assurez-vous d’avoir bien l’identité du patient et sa localisation, pour y envoyer les secours en cas d’urgence. Veillez également au respect du secret médical, car il peut y avoir des tiers qui entendent la consultation à distance. Enfin, il est impératif de sécuriser la télétransmission et de garantir la protection des données.
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