Ils se présentent comme le meilleur ami du médecin. Dans le jargon, on les appelle « data scientists ». Leur travail : aider les équipes soignantes et les chercheurs à peaufiner leur diagnostic et améliorer la prise en charge du patient grâce au Big data, ou analyse en masse des données.
Dans une société hyper-connectée chacun – du médecin au patient – laisse, selon l’expression consacrée, « à l’insu de son plein gré », une foultitude de données sur sa santé et son activité professionnelle qui constituent ce que les Américains appellent des « data lakes » : des gisements de données, inexploitées qui pourraient (r)apporter beaucoup à qui saura leur donner du sens.
« L’intégration des données du monde réel (demande de remboursements d’assureur ou encore enregistrements d’actes médicaux anonymisés), avec les données épidémiologiques et les données cliniques, ouvrent des horizons aux médecins », veut croire Patrice Bouëxel, directeur France de la division santé de Teradata, une société spécialisée dans le développement de solutions Big data. « Ceux-ci peuvent ainsi comparer la réponse aux différentes options d’un traitement par rapport à des groupes de patients (âge, genre, conditions médicales pré-existantes), procéder à une surveillance active des effets secondaires, identifier les utilisations hors indications ou encore assurer le suivi dans le temps des résultats découlant la prise d’un médicament », poursuit-il.
Lors d’une table ronde organisée à Amsterdam par cette entreprise, le Pr Hans Rosling, médecin et chercheur au Karolinska Institute, enseignant à la faculté de médecine de Stockholm, a estimé que « l’analyse des données aurait déjà dû changer davantage notre rapport à la santé. Nous aurions dû aller beaucoup plus vite avec les moyens déjà en notre possession. Croiser les données de la Sécurité sociale avec celle de la recherche aurait un tel impact…, ajoutant : « Mais il nous faut bâtir une éthique. Il ne faut pas faire les choses parce qu’elles sont possibles, mais parce qu’elles sont utiles à l’intérêt général. »
Des loboratoires moteurs
Avant l’hôpital, l’industrie pharmaceutique est un moteur de développement du Big data. Alors que des milliards d’euros sont engloutis chaque année en R&D, l’objectif du secteur est, grâce à l’analyse de données de masse, de stopper au plus tôt des recherches qui promettent d’être infructueuses. Ainsi GSK a mis en place voilà trois ans un Data Lab où les analystes peuvent, lors des phases cliniques, comparer la réponse aux différentes options d’un traitement par rapport à des groupes de patients, surveiller plus finement les effets secondaires… Résultat : des cycles d’analyses de 130 heures ont été réduits à 5, faisant gagner un temps précieux aux équipes de l’industriel.
Une marge de progression
Développement accéléré de nouvelles molécules, circonscription ou anticipation d’épidémie, alerte sur des effets secondaires indésirables, personnalisation de contrat d’assurance-maladie… Au-delà des promesses – et dérives – permises par l’outil, beaucoup reste à affiner.
En lançant en grande pompe Google Flu Trends, le célèbre moteur de recherche entendait proposer un outil de prévention sur la propagation d’épidémies de grippe aux États-Unis. Déconnectées des Centers for desease control and prevention (CDC, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies), les analystes de Google estimaient, schématiquement, que l’épidémie de grippe se déployait là où le mot grippe était le plus demandé sur le moteur de recherche. Las, selon une étude publiée dans « Science », le géant de la Silicon Valley a surestimé l’épidémie de 50 % par rapport à la réalité ! La technologie ne saurait se passer de l’avis des premiers observateurs de terrain…
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