Le Quotidien : Dans son plan d’économies, le gouvernement sollicite l’assurance-maladie à hauteur de 10 milliards d’euros d’ici à 2017. Est-ce possible ?
Dr Claude Leicher : On peut économiser bien plus et bien plus vite ! Prenons la substitution générique. L’action conjointe des médecins généralistes et des pharmaciens dégage chaque année 1,5 milliard d’euros. Si l’ordonnance de sortie d’hôpital était le fait du médecin traitant, on engrangerait 500 millions d’euros supplémentaires.
La kinésithérapie à domicile après implantation d’une prothèse de hanche coûte quatre fois moins cher que les soins de suite et de réadaptation (SSR). Allons plus loin. Pourquoi ne pas créer un forfait de maintien à domicile des personnes âgées plutôt que financer au prix fort l’hospitalisation à domicile ou en établissement ?
Comme la Cour des comptes, nous pensons que la chirurgie ambulatoire est source de cinq milliards d’économie. Nous défendons également le développement de la sortie de maternité à J+1, après accord entre le médecin traitant, les sages-femmes, les infirmiers et le pharmacien.
Notre participation à l’effort collectif nécessite une phase d’investissement, et réaffecter ces économies sur les soins primaires ne coûterait rien. Sans cela, que le gouvernement se débrouille avec son déficit !
Justement, la négociation interprofessionnelle sur la rémunération des équipes de proximité est lancée. Au vu du contexte économique, peut-il vraiment y avoir accord ?
Oui, si le gouvernement arrête de saborder la discussion ! Pour mener à bien une « révolution » des soins primaires, on nous propose une enveloppe de 20 millions d’euros. C’est d’une incohérence politique spectaculaire !
Marisol Touraine a également refusé de définir un cadre juridique [accord-cadre interprofessionnel piloté par l’UNPS ou contrat-type défendu par MG France, NDLR]. Voici bien le résultat d’une gestion politique mi-chèvre, mi-chou. Le comble de l’absurde serait de suivre l’hypothèse de la CNAM et d’utiliser les deux dispositifs ! Qui a dit que nous étions dans une période de simplification ?
Que peuvent attendre les médecins de ces négociations ?
Trois choses. Lorsqu’un médecin généraliste soigne un patient complexe, il échange à son domicile avec les infirmières libérales à l’écrit, s’entretient au téléphone avec l’orthophoniste et passe voir le pharmacien. Nous voulons rémunérer ce travail de coordination.
Une seconde enveloppe pour les maisons pluridisciplinaires et les pôles de santé pourrait servir à salarier une secrétaire.
Enfin, il faut donner aux libéraux les moyens de leurs ambitions. Le masseur-kinésithérapeute doit être rémunéré pour apprendre au patient comment prévenir les troubles musculo-squelettiques (TMS), l’infirmier pour éduquer le diabétique insulinodépendant, le duo médecin généraliste-infirmier pour suivre l’insuffisant cardiaque à domicile. L’éducation thérapeutique et la santé publique ne sont pas du ressort de l’hôpital.
Mais la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) montre qu’en terme de prévention, les médecins ont des progrès à faire. Ils sont meilleurs élèves sur l’organisation du cabinet et sur la prescription. Pourquoi ?
Lorsque le patient et l’environnement médiatique entrent en ligne de compte, les résultats sont aléatoires.
Prenons la vaccination contre la grippe. Ni les polémiques médiatiques ni la dernière campagne de l’assurance-maladie (qui invite le patient à se faire vacciner à domicile par un infirmier après un passage en pharmacie, NDLR) n’ont aidé les médecins traitant à atteindre leurs objectifs. Remonter la pente va être difficile.
Quels nouveaux objectifs doit contenir la prochaine ROSP ?
Des indicateurs sur le tabac, l’alcool et les inégalités sociales de santé. En effet, plus les patients connaissent des difficultés socio-économiques, moins les résultats des professionnels dans la prévention et le suivi des maladies chroniques sont bons. Nous proposons une majoration de 5 à 10 % de la valeur du point, qui prendrait compte de l’implantation géographique du cabinet et du temps passé à convaincre le patient de l’intérêt de se soigner. Le sujet est aujourd’hui sur la table de l’assurance-maladie. Et le gouvernement fait une nouvelle fois preuve d’un silence assourdissant.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation