Courrier des lecteurs

Des humains soignés par d’autres humains

Publié le 31/03/2014
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Il m’arrive, comme à bien des gens, de souffrir de sciatiques ou de migraines. Contrairement à bon nombre de confrères, je ne dissimule en rien ces troubles et réponds franchement aux questions de mes patients quant à mon état de santé. Les réactions les plus habituelles sont « je ne pensais pas qu’un médecin puisse être malade », « ça fait drôle de voir un médecin qui souffre », et d’autres affirmations du même acabit. Je me suis longuement interrogé sur le pourquoi de ces réactions.

Il appert que dans l’imaginaire collectif, le médecin s’apparente à un « surhomme » qui, par je ne sais quel cadeau des Dieux, échapperait à toutes les affections communes au commun des mortels. Quelle en est la raison ? Qui est responsable de cette image tronquée ? Les médecins, eux-mêmes sans doute, qui ont longtemps cultivé cette vision qui flattait leur ego et assimilaient toute pathologie personnelle à une faiblesse insupportable (cependant, cela s’avère de moins en moins vrai avec la nouvelle génération en grande partie féminine et souvent plus humble que la précédente). Les patients, ensuite, qui ne peuvent confier leur corps et leur santé qu’à un individu sacralisé, indemne de tous maux, imperméable à la fatigue y compris après deux jours continus de garde.

Comment accepter de se faire opérer par un chirurgien qui n’a pas fermé l’œil depuis plus de douze heures sans croire avoir affaire à un demi-dieu ?

Ce genre de raisonnement arrange tout le monde : les autorités qui refusent d’intégrer le facteur pénibilité au sein des discussions touchant à la profession de peur des dépenses induites, les médecins et leurs syndicats pour lesquels le sujet est tabou, les patients qui pratiquent la politique de l’autruche en réclamant : « Cachez ce médecin souffrant que je ne saurais voir. »

Les hospitaliers ont obtenu les repos compensateurs, les médecins de ville… rien.

Pour ma part, avec beaucoup de pédagogie, j’introduis donc cette humanité dans la relation « médecin-patients », « des humains soignés par un autre humain » avec ses forces et ses faiblesses.

Après un certain étonnement, l’acceptation de la nouvelle s’avère plutôt bonne et la relation, complice, s’en trouve améliorée.

Tropiques en marche

Foudroyé en plein ciel de gloire par une indigne cabale un an après son retour en Creuse pour une retraite prématurée, le médecin colonel des Troupes coloniales Eugène Jamot, que l’Exposition coloniale de Vincennes de 1931 présentait en vainqueur de la maladie du sommeil, et à ce titre nobélisable, quittait le 24 avril 1937 un monde où il était devenu un réprouvé. Mais son œuvre n’allait pas, pour autant, tomber dans l’oubli.

Saint-Sulpice-les-Champs, son village natal, est devenu, par la volonté de ses habitants, le haut lieu où se perpétue sa mémoire. Chaque année, depuis 1954, un hommage lui est rendu, avec plus ou moins d’éclat suivant les époques.

La fermeture de l’Institut de Médecine Tropicale du Service de Santé des Armées, héritier de l’École d’Application du Service de Santé des Troupes Coloniales du Pharo qui fit plus pour la gloire de la France que bien des instances préservées du couperet de la rigueur budgétaire, a condamné le dernier témoin de son action médicale outre-mer.

Le 6 juillet 2013, à Saint-Sulpice-les-Champs, la place de l’Église a été baptisée Place du Docteur-Eugène-Jamot. Il n’y avait jusque-là, au centre du village, qu’une stèle inaugurée le 12 septembre 1954 par Gaston Monnerville, président du Conseil de la République. En marge de la cérémonie, les quelques rares anciens du Pharo qui avaient fait le déplacement, en deuil de leur maison mère, lancèrent le projet de conférer à la commémoration de 2014 une dimension régionale, voire nationale, sous la forme d’un événement scientifique et culturel de grande ampleur. Ce sera Tropiques en Marche. Parce que la Marche est la région d’origine de Jamot. Et aussi parce que ce titre souligne la volonté de donner un nouveau souffle à la démarche de mémoire.

Cette manifestation, sous la présidence d’honneur de Monsieur André Chandernagor, ancien ministre, fera appel au soutien de l’Association du Dr Eugène Jamot, à ceux du Pharo, de l’Association Santé Navale et d’Outre-Mer, de la Société de Pathologie Exotique, de la municipalité de Saint Sulpice les Champs, de la communauté de communes d’Aubusson, des Conseils de l’Ordre des médecins de la Creuse, de la Corrèze, de la Haute-Vienne, du Syndicat des Anciens Médecins des Armées.

Elle offrira trois volets :

- rencontres médicales du Limousin le 2 mai après-midi à Aubusson

- manifestation culturelle et gastronomique le 2 mai au soir

- commémoration de la mémoire de Jamot le matin du 3 mai à Saint Sulpice les Champs

Pour en savoir plus :

Association Docteur Eugène Jamot

12 route de Banize

23480Saint Sulpice les-Champs

05 55 67 63 57

espace-jamot@orange.fr

www.espace-jamot.fr

Dr Yves-Robert Omejkane Champagne-sur-Oise (95) Dr Yves Pirame Moissac (82)

Source : Le Quotidien du Médecin: 9314