Le remboursement des dépassements plafonné

Contrats responsables : c’est flou

Publié le 04/11/2013
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Crédit photo : AFP

IL FUT d’abord question de 150 %... puis de 100 %... et enfin de rien du tout. Le plafond au-delà duquel les complémentaires santé (mutuelles, institutions de prévoyance, assurances) ne prendront plus en charge les dépassements d’honoraires dans le cadre des contrats dits « responsables » a été purement et simplement gommé du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014, adopté en première lecture mardi dernier par les députés. La hauteur de ce seuil est renvoyée à un décret et à un arbitrage du Conseil d’État. Aucune échéance n’est encore connue, nous précise-t-on au ministère de la Santé. Tout l’enjeu pour le gouvernement est de parvenir à mieux réguler l’offre de soins sans aller à l’encontre des dispositions conventionnelles, âprement négociées en 2012 avec les syndicats de médecins libéraux, jusqu’à la signature de l’avenant 8 en octobre. Le gouvernement a préféré éviter de fixer un taux à quelques semaines de l’ouverture du contrat d’accès aux soins (CAS), dispositif proposé aux praticiens de secteur II pour modérer leurs dépassements et dans lequel les complémentaires santé sont parties prenantes.

Cohérence politique.

Le principe d’un plafond de prise en charge par les complémentaires a pourtant bien été inscrit dans le projet de loi. Ce seuil délimitera « la prise en charge [maximale] des dépassements d’honoraires perçus lors de consultations ou d’autres actes des médecins », stipule le PLFSS. Les frais d’optique feront l’objet d’un niveau minimal de recouvrement en sus.

Devant les députés, Marisol Touraine a estimé « nécessaire » de donner sa place à la « concertation » – et non à la « négociation ». « La discussion mérite d’être engagée avec les organismes complémentaires eux-mêmes », a-t-elle indiqué, obligeant le rapporteur du PLFSS Christian Paul, très offensif sur la question, à retirer son plafond de 100 % du projet de loi (en commission des affaires sociales, le taux de 150 % avait dans un premier temps été retenu). Pour une « question de cohérence politique », « le seuil devra évidemment être en rapport avec ce qui a été négocié dans le cadre de l’avenant 8 », a précisé la ministre de la Santé. Cette phrase laisse planer l’ambiguïté entre les 100 % de dépassement maximal toléré (en moyenne) dans le contrat d’accès aux soins et le seuil de 150 % au-delà duquel un complément est jugé excessif.

Où placer le curseur ?

En encadrant plus sévèrement les contrats responsables, Marisol Touraine répond aux recommandations émises cette année par la Cour des comptes : « La quasi-totalité des contrats d’assurance-maladie complémentaires (98 %) bénéficie […] de la qualification de contrat responsable, alors même que certains d’entre eux permettent un remboursement à 100 % du coût réel », ont grondé les Sages de la rue Cambon dans leur rapport annuel sur la Sécurité sociale. L’idée d’instaurer un plafond est par ailleurs soutenue par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (HCAAM). Qui met en garde : le curseur placé trop haut, gare à l’effet d’aubaine pour les professionnels et l’effet inflationniste pour les complémentaires ; le curseur placé trop bas, gare à l’explosion du reste à charge pour les petits revenus et à la mise en péril de l’accès aux soins.

Cartes à jouer.

Sur le sujet, les acteurs du système de santé sont vigilants. Pour le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), la disparition du taux dans le projet de loi est « conforme à l’esprit conventionnel ». Elle permet de conserver des marges de manœuvre lorsque viendra le temps de discuter plancher, plafond de prise en charge et panier de soins minimum. Du côté des complémentaires, on fait aussi bonne figure, mais pour d’autres raisons. « Plafonner empêche une fuite en avant dans le remboursement des dépassements, commente le Dr Jean-Martin Cohen Solal, délégué général de la Mutualité. N’oublions pas que seuls 25 % des médecins sont dépasseurs et que le taux de dépassement moyen est de 50 % [au-delà du tarif Sécu, N.D.L.R.]. Nous voulons éviter une rupture de solidarité dans la prise en charge des dépassements et trouver des solutions gagnants-gagnants avec les professionnels ».

Quant aux usagers du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), ils trouvent le principe de plafonnement « intéressant ». Concernée mais nullement invitée à la concertation, l’association ne peut qu’espérer une discussion « ouverte et transparente ».

 ANNE BAYLE-INIGUEZ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9277