« Un essai qui va bouleverser les standards de traitement », « des résultats majeurs », ... De l’avis de nombreux spécialistes réunis à Chicago (2-6 juin) pour le congrès de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), les résultats de l’étude Latitude dévoilés ce week-end et publiés simultanément dans le NEJM devraient faire bouger rapidement les lignes en matière de prise en charge du cancer de la prostate métastatique. Présenté en session plénière devant une salle comble, cet essai montre que chez des patients métastatiques d’emblée, l’adjonction d’abiratérone (une hormonothérapie de seconde génération) à l’hormonothérapie standard par analogues ou antagonistes de la LH-RH, permet d’améliorer très significativement la survie globale et la survie sans progression des patients.
Si dans les pays occidentaux la plupart des cancers de la prostate sont diagnostiqués à un stade non métastatique, une petite part (10 % en France) reste découverte à un stade métastatique. Chez ces patients, le traitement médicamenteux de première ligne s’est longtemps limité à la castration chimique seule. En 2015, la publication successive des études Chaarted puis Stampede a changé la donne en montrant qu’une chimiothérapie par docétaxel prescrite dès le début, en sus de la castration chimique conventionnelle, permettait d’améliorer la survie des patients les plus à risque. Deux ans plus tard l’étude Latitude rebat à nouveau les cartes.
Coordonné par le Pr Karim Fizazi (IGR, Villejuif) et promu par le laboratoire Janssen, cet essai randomisé de phase III a inclus, entre février 2013 et décembre 2014, 1 200 patients hormono-naïfs nouvellement diagnostiqués d’un cancer métastatique de la prostate à haut risque : ces patients répondants à au moins deux des trois situations suivantes : score de Gleason > 8, présence d’au moins trois lésions radiologiques osseuses et présence de métastases viscérales hors méta ganglionnaire. L’objectif était de mesurer dans cette population le bénéfice versus placebo de l’adjonction d’abiratérone (+ prednisone pour contre carrer les effets secondaires de l’abiratérone) à l’hormonothérapie conventionnelle, sur la survie globale et la survie sans progression du cancer.
Les résultats montrent que l’abiratérone, administrée dès le début de la prise en charge, en plus de l’hormonothérapie conventionnelle, diminue de 38 % (HR 0,62) le risque de décès et de 53 % (HR 0,47) le risque de rechute après 2 ans et demi de suivi. Soit, en d’autres termes, un allongement de la survie globale et de la survie sans progression. Les résultats sont également positifs pour les critères secondaires (progression du PSA, douleur, etc.). Côté tolérance, les auteurs rapportent essentiellement des hypokaliémies (20 % vs 10 %), des hypertensions (10 % vs 1,3 %) et une élévation des enzymes hépatiques (5,5 % vs 1,3 %).
Pour le Pr Fizazi, « ces résultats majeurs devraient changer la prise en charge des patients diagnostiqués d’emblée d’un cancer métastatique de la prostate ». Invité à discuter l’étude pendant la session plénière, le Pr Eric Jay Small (San Francisco) salue de son côté une « étude au design bien fait » et aux résultats « franchement positifs ». Il pointe cependant l’absence de comparaison directe avec le docétaxel, l’étude Latitude ayant été conçue avant la publication des résultats de l’étude Chaarted. Une comparaison indirecte des deux études proposée par le Pr Jay Small suggère toutefois une efficacité similaire mais sans les effets secondaires du docétaxcel (neutropénies notamment) et avec le confort d’un traitement oral pour l’abiratérone.
La prochaine étape consistera à savoir si l’association d’abiratérone à un traitement de base par hormonothérapie conventionnelle + chimiothérapie permet encore d’améliorer le pronostic des patients. Une étude européenne promue par UNICANCER et dirigée par le Pr Fizazi est en cours pour répondre, entre autres, à cette question. Les premiers résultats sont attendus à partir de 2020.
Mais d’ores et déjà « l’utilisation d’abiratérone en sus de l’hormonothérapie doit être considérée comme un nouveau standard pour le traitement initial des patients ayant un cancer de la prostate métastatique à haut risque », conclut le Pr Jay Small.
Reste toutefois beaucoup de questions en suspens sur l’impact potentiel de cette stratégie en termes d’hormonorésistance ou encore sur l’agressivité du cancer après échappement au traitement.
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