Déjà sensibles aux cancers viro-induits, les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont de plus en plus touchées par les cancers liés à l’âge, du fait de l’allongement de leur espérance de vie grâce aux antirétroviraux (ARV). Par exemple, la prévalence du sarcome de Kaposi a été divisée par deux entre 2008 et 2018 comparée à la période de 1997 à 2007, alors que celle du cancer de la prostate, du sein ou colorectal s’est amplifiée.
Quelle prise en charge médicale pour ces patients ? L’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – Maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE), de concert avec le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS), ont émis de nouvelles recommandations sur les stratégies diagnostiques et thérapeutiques à mettre en œuvre.
Le VIH est une comorbidité du cancer
Les experts invitent à ne considérer le VIH « que » comme une comorbidité. De fait, pour la grande majorité des cancers non viro-induits (cancers de la prostate, du sein, du côlon, de la vessie et de la peau), la stratégie de dépistage ne diffère pas de la population générale. Quant à la prise en charge thérapeutique, c’est le traitement ARV qui s’adapte au traitement oncologique (et non l’inverse), afin que ce dernier reste optimal en toutes circonstances. Il reste néanmoins important de ne pas négliger la séropositivité. Un suivi du taux de CD4 et de la charge virale doit être effectué tous les trois mois. Les experts recommandent une surveillance rapprochée (par exemple mensuelle) en cas de mucite, suspicion de malabsorption, inobservance ou interaction médicamenteuse ou modification du traitement ARV à l’initiation de la chimiothérapie.
Pour le cancer bronchopulmonaire, les experts plaident en faveur d’un dépistage individuel, au cas par cas. Si sa prise en charge thérapeutique est théoriquement identique à la population générale, les interactions entre ARV, chimiothérapie et thérapies ciblées impliquent une plus grande minutie dans le suivi clinique. En ce qui concerne les infections opportunistes, si une prophylaxie primaire est recommandée contre la pneumocystose et la toxoplasmose en cas d’un faible taux de lymphocytes TCD4, pour les autres, la prophylaxie suit les indications oncologiques classiques, quel que soit le statut immunitaire du patient.
Prise en charge des hépatites B et C
Un cas particulier et fréquent du cancer chez les PVVIH est la présence d’une infection VHB (et sa potentielle co-infection VHD) ou VHC. Son dépistage doit être systématique. Par ailleurs, les PVVIH avec une hépatite virale voient leur risque d’un cancer du foie augmenter.
En cas de négativité pour l’hépatite B, une vaccination peut être proposée. Pour un patient positif au VHB, le risque de réactivation de l’hépatite est variable et dépend de son statut sérologique et des traitements oncologiques administrés : il est important sous anti-CD20 ou en cas de greffe de moelle et inférieur à 1 % sous chimiothérapie classique d’organe solide. Pour l’hépatite C, le traitement doit être instauré au cas par cas en fonction de l’espérance de vie du patient et des interactions médicamenteuses.
Des spécificités de dépistage des cancers dus au HPV
Les cancers du col de l’utérus et du canal anal ont une prévalence plus importante chez les PVVIH que dans le reste de la population. Si le traitement ne diffère pas, les patients doivent bénéficier d’une prévention et d’un dépistage spécifiques. Le groupe d’experts recommande que le rattrapage vaccinal HPV soit maintenant étendu dans les deux sexes jusqu’à 26 ans. Pour le cancer du col de l’utérus, les femmes vivant avec le VIH (FVVIH) doivent être dépistées à partir de 25 ans :
– en cas de T CD4 actuels ≥ 350/µL et nadir T CD4 >200/µL : un dépistage cytologique annuel deux fois, puis à trois ans jusqu’à 30 ans ;
- T CD4 actuels <350/µL ou nadir T CD4 ≤200/µL : cytologie annuelle jusqu’à 30 ans ;
- à partir de l’âge de 30 ans, quel que soit le statut immunovirologique : test HPV +/- cytologie réflexe : tous les trois à cinq ans (à prolonger au-delà de 65 ans si antécédent de lésion CIN, ou de portage prolongé d’HPV-HR).
Les évolutions majeures concernent le cancer anal pour lequel l’ANRS MIE et le CNS préconisent un dépistage individuel pour les populations à très haut risque, à savoir : les hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH) de plus de 30 ans VVIH, les FVVIH ayant des antécédents de lésions précancéreuses ou cancéreuses de la vulve et les FVVIH transplantées d’organes solides depuis plus de dix ans. À cette liste établie avec un bon niveau de preuve, les experts proposent d’ajouter les FVVIH de plus de 30 ans ayant un antécédent de cancer ou de lésion intra-épithéliale de haut grade du col. À la suite d’un test HPV-16 positif, les patients auraient intérêt à réaliser un examen clinique et une cytologie anale afin de traiter précocement les lésions précancéreuses HSIL (lésions intraépithéliales anales de haut grade) et retarder la survenue du cancer.
Dans leur rapport, les experts revendiquent l’importance d’une prise en charge par l’Assurance maladie des tests PCR HPV-16 et le développement de l’accès à l’anuscopie haute résolution (AHR) nécessaire au dépistage des HSIL. Ils considèrent aussi « essentiel de promouvoir la formation des cytologistes à la lecture des cytologies anales ».
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