Dans le sillage de la stratégie nationale sur les troubles du neurodéveloppement (TND) 2023-2027, focus sur le trouble du déficit de l’attention avec ou( sans hyperactivité (TDAH). Le 24 septembre, au lendemain de la publication des recommandations de prise en charge chez l’enfant (1) par la Haute Autorité de santé (HAS), ont été réunies au ministère de la Santé toutes les parties prenantes : le Pr Lionel Collet, président de la HAS ; le Dr Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie TND ; des professionnels de santé ayant participé au groupe de travail, dont le Pr Olivier Bonnot, pédopsychiatre, et la Dr Virginie Desgrez, généraliste ; et des représentants de patients.
« Optimiser le repérage, le diagnostic et le suivi du TDAH à tous les âges de la vie et quelle que soit son expression. » Dans la droite ligne des nouvelles recommandations, telle est la volonté politique qu’exprime Paul Christophe, le nouveau ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes, qui a porté en tant que député une proposition de loi pour améliorer l’accompagnement des personnes avec un TND, actuellement en deuxième lecture au Sénat. Ainsi, devraient être instaurés deux examens médicaux obligatoires pour repérer les TND aux âges clés de leur apparition, à 18 mois et 6 ans (l’examen avant l’entrée en CP ayant été acté dans les Assises de pédiatrie, fin mai). La feuille de route Pédiatrie et santé de l’enfant 2024-2030 prévoit un doublement des places en médecine pédiatrique d'ici à 2030.
Ce sont des recommandations élaborées par des professionnels de terrain, pour des professionnels de terrain
Christine Revel Delhom, cheffe de projet à la HAS
« Les recommandations sont fortes car elles vont donner de la légitimité aux professionnels qui se forment », se réjouit la Dr Virginie Desgrez, généraliste, insistant sur le fait que même les médecins non spécialisés doivent savoir ce qu’est un TDAH pour orienter les patients. « Tout médecin doit être capable de faire un examen somatique comme un examen psychiatrique. Et c'est une manière de faire sortir ce dernier du champ réservé aux psychiatres », abonde le Pr Olivier Bonnot, pédopsychiatre à l’établissement public de santé Barthélemy-Durand, à Sainte-Geneviève-des-Bois, et à l’université Paris-Saclay.
Une prise en charge dans toutes les sphères de la vie
Le groupe de travail de la HAS sur le TDAH de l’enfant a voulu établir des recommandations utiles et pratiques pour les soignants, s’appuyant sur une analyse de la littérature mais aussi sur les avis des professionnels, des représentants des patients ou encore des personnes de l’Éducation nationale. « Elles ont été élaborées par des professionnels de terrain, pour des professionnels de terrain », souligne Christine Revel Delhom, cheffe de projet à la HAS.
Le bilan neuropsychologique n’est plus considéré comme indispensable au diagnostic. « Le but n’est pas de nier ce bilan, il a son importance, explique Stéphanie Iannuzzi, neuropsychologue. Mais on sait à quel point il est difficile d’y accéder pour certaines familles. Nous n’avons pas souhaité leur imposer de double peine dans un parcours diagnostique déjà difficile. » La formation des généralistes au TDAH vise à élargir l’offre de soins et à faciliter l’accès au diagnostic et à un traitement pour les patients en errance.
L’objectif est d’avoir une porte unique pour tous les TND
Dr Étienne Pot, délégué interministériel à la stratégie nationale sur les TND
Les médecins sont tenus d’aller au-delà du diagnostic avec un plan de soins et un accompagnement des familles. « Quand on voit des gens, on essaie de comprendre l’ensemble de leurs difficultés, puis on travaille avec eux pour qu'ils les comprennent à leur tour, témoigne le Pr Olivier Bonnot. Ensuite, on cherche à compenser ces problèmes pour les atténuer, voire les faire disparaître. » Il s’agit de réfléchir à « comment la personne va pouvoir s'adapter à son environnement, et inversement », poursuit-il. Aussi le ministère veut-il faire converger les dispositifs médicosociaux et scolaires.
S’appuyer sur les centres experts existants
Le délégué interministériel Étienne Pot entend éviter la surexpertise dans l’approche des TND, d’autant qu’ils sont souvent intriqués. Comme les plateformes de coordination et d’orientation (PCO) le font déjà, « l’objectif est d’avoir une porte unique pour tous les TND », annonce-t-il, et de rendre le système plus lisible qu’il ne l’est aujourd’hui.
« Nous souhaitons que les centres experts TDAH s’appuient sur l’existant au niveau territorial en fonction de ce qui est déjà implanté (centre de troubles du langage, service de pédopsychiatre, etc.). Ils doivent aussi offrir une évaluation individualisée et du soin en plus de poser un diagnostic », indique la Pr Stéphanie Bioulac, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent et cheffe du service universitaire enfant et adolescent de Grenoble. À ses yeux, les centres experts doivent inclure le suivi des adultes. Alors que la période 16-25 ans est charnière pour le TDAH et les autres TND, nombre de patients se retrouvent, faute de professionnels, sans continuité de soins. Pour le moment, la Pr Bioulac accompagne ses jeunes patients jusqu’à l’âge adulte s’ils le souhaitent, et propose un suivi aux parents neuroatypiques.
Le Dr Étienne Pot reste réaliste : « La filière diagnostique ne fera pas tout mais le retard se résorbera progressivement ». Si la situation tend à s’améliorer au fil du temps, beaucoup reste à faire. Il mentionne notamment une mission dans les instituts médico-éducatifs qui accueillent nombre d’enfants autistes ou TDAH. « Nous devons mettre en œuvre des mesures de rattrapage de diagnostic, réévaluer ces enfants et nous réinterroger sur leur prise en charge », estime-t-il. La HAS et le gouvernement s’emparent d’ailleurs de sujets connexes : le TDAH chez l’adulte, l’extension des indications du méthylphénidate ou encore les risques psychiatriques associés. L’anxiété et la dépression sont autant de comorbidités qui sont corrélées à une surmortalité par causes non naturelles des personnes autistes ou TDAH, surtout les femmes, d’après une étude de 2022 (2) publiée dans le Jama Pediatrics.
Des formations à (re) construire
Collège national ou Société française du TDAH ? Le choix de l’entité qui aura la responsabilité de valider les formations reste en suspens, rappelle la Pr Stéphanie Bioulac. Se pose aussi la question d’intégrer des stages ou des réunions de concertation pluridisciplinaire en services spécialisés. Dans tous les cas, rien ne sera à construire de zéro : des diplômes universitaires existent et fourniront des éléments de base.
Il ne s’agit pas seulement de créer des formations mais aussi de réviser l’existant. « Les parcours universitaires renferment encore des formations obsolètes, j'aimerais ne plus les voir dans les maquettes », s’insurge Christine Revel Delhom. Il reste primordial que, mêmes formés, les médecins mettent à jour continuellement leurs connaissances. Pour le Pr Olivier Bonnot, « savoir quelles sont nos difficultés est la première étape pour arriver à les surmonter ». Et la Pr Stéphanie Bioulac de renchérir : « Il est important qu’un médecin connaisse ses limites. Demander de l'aide montre qu'on est compétent ». Comme le rappelle le ministre Paul Christophe, « des avancées pour le repérage des troubles du neurodéveloppement sont à portée de main. Il ne tient qu'à nous de les saisir ».
La HAS organise le 5 novembre, de 19 h 30 à 21 h 00, le webinaire gratuit « TDAH enfants et adolescents : comment diagnostiquer et accompagner ? »
(1) Recommandations de bonne pratique. Trouble du neurodéveloppement/TDAH : diagnostic et interventions thérapeutiques auprès des enfants et adolescents, 23 septembre 2024
(2) F. Catalá-López et al., Jama Pediatrics, 2022; 176(4):e216401
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