L’immunité de la population française a fortement progressé depuis le début de la campagne vaccinale. C’est ce que suggèrent les résultats de la dernière enquête de prévalence nationale menée notamment par Santé Publique France, que l’agence vient de publier dans son dernier point épidémiologique.
Pour rappel, depuis le début de l’épidémie, l’instance de santé publique surveille, en collaboration avec l’Institut Pasteur et les laboratoires Cerba et Eurofins Biomnis, l’évolution de « la proportion de personnes au sein de la population générale qui ont développé des anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 et qui pourraient ainsi être immunisés ».
Une augmentation de la séroprévalence surtout attribuable à la vaccination
Résultat : entre la fin de la seconde vague, en février, et la fin de la troisième vague, début juin, la séroprévalence a « très fortement » augmenté dans l’Hexagone, se réjouit l’agence. Un phénomène qu’elle attribue à la progression de la campagne de vaccination pendant cette période.
De fait, le taux de personnes présentant des anticorps anti-SARS-CoV-2 est passé de moins de 14 % en semaine 6 à plus de 52 % en semaine 23. Une augmentation qui, si elle concerne toutes les tranches d’âge, a surtout été observée chez les sujets ciblés prioritairement par la campagne de vaccination, à l’instar des plus de 80 ans (séroprévalence de près de 80 %). De même, la hausse de la séroprévalence, enregistrée sur tout le territoire, semble bien moindre dans les DROM où la campagne de vaccination patine, à l’instar de la Guadeloupe (séroprévalence de 30,7 %) et de la Martinique (21,4 %).
Mais surtout, Santé Publique France relève que ce bond de la séroprévalence est bien plus marqué qu’entre les vagues précédentes, avant la généralisation de la vaccination. En effet, entre la fin de la première vague, mi-mai 2020, et la fin de la seconde vague, la séroprévalence n’avait augmenté que de 8,3 points de pourcentage.
Pessimisme face au variant Delta
Cependant, au-delà de ces résultats, l’immunité conférée par les vaccins pourra-t-elle endiguer à elle seule la pandémie de Covid-19 ? Comme le rapporte l’Académie nationale de Médecine, au cours de l’été, le doute semble s’être installé au sein de la communauté scientifique.
En cause : « la fréquence croissante des contaminations observées chez les personnes partiellement ou totalement vaccinées, […] notamment au sein des pays ayant les taux de couverture vaccinale les plus élevés (Malte, Islande, Danemark, Israël) ». Un constat qui a amené divers épidémiologistes à conclure à une baisse d’efficacité des vaccins face au variant Delta ou au cours du temps, et ainsi à désespérer de voir une immunité collective suffisante se constituer rapidement grâce aux vaccins. « L’analyse de ces données a conduit plusieurs éminents scientifiques à considérer que l’immunité collective était devenue un objectif illusoire car elle ne pourrait jamais être obtenue par la vaccination », résume l’Académie.
De la pandémie à l’endémie
Un discours que l’Académie juge au mieux, inexact, et au pire, dangereux, l’adhésion de la population à la campagne étant en jeu – « de telles déclarations pessimistes, largement diffusées au cours du mois d’août, n’ont pas été contredites, aggravant l’hésitation vaccinale chez les indécis et permettant aux mouvements anti-vaccination de renouveler un argumentaire défraîchi », estime l’instance.
En fait, pour le Pr Yves Buisson, président de la cellule Covid-19 de l’Académie, ces affirmations reposent sur une confusion entre la capacité des vaccins à prévenir la transmission et la circulation du SARS-CoV-2 et leur efficacité contre les formes cliniques de Covid-19.
Cetes, les vaccins actuels semblent modérément performants pour réduire la transmission du variant Delta, ce pour quoi ils n’ont d'ailleurs pas été homologués. Cependant, « on sait aujourd’hui que les vaccinés transmettent toute de même 12 fois moins le virus que les non vaccinés », avance le Pr Buisson.
Mais surtout, les doutes concernant l’efficacité du vaccin contre les formes symptomatiques en particulier sévères de la maladie n’ont, pour l’épidémiologiste, « plus lieu d’être ». « Leur efficacité contre les formes graves de Covid-19 reste supérieure à 90 % », affirme-t-il, tout en soulignant que 10 % des vaccinés restent donc susceptibles d'être hospitalisés, d'où les cas observés récemment. Pour l’Académie, l’objectif de la campagne de vaccination est, avant d’endiguer la pandémie, de protéger au plus vite la population. « Après tout, ce n’est pas grave s’il persiste des épidémies d’infections majoritairement asymptomatiques ou peu graves », juge le Pr Buisson.
Car ce qui apparaît de plus en plus certain, c’est que du fait de ses grandes capacités d’adaptation par mutation, le SARS-CoV-2 continuera de circuler longtemps, mais de façon endémique. « Ce que permettra l’immunité collective, ce sera alors de passer de la pandémie à cette circulation contrôlée dans la population, sur un mode endémo-sporadique ou endémo-épidémique, à l’instar du virus grippal », détaille le Pr Buisson. Immunité collective qui sera atteinte soit lentement par la maladie comme lors des grandes pandémies du passé, soit plus rapidement et en protégeant les plus vulnérables par la vaccination. « Pour choisir, regardons les pays durement frappés par le Covid-19 ou les DROM, et voyons ce qu’il en coûte d’avoir une population non ou très peu vaccinée », invite le Pr Buisson.
À noter que les espoirs d'éradication ne sont toutefois pas réduits à néant. Pour l'épidémiologiste, de futurs vaccins à administrer par voie nasale pourraient s'avérer capables, eux, de lutter plus efficacement contre l'infection et la transmission du SARS-CoV-2. Ces technologies étant encore en phase pré-clinique, ceux-ci ne devraient toutefois pas arriver avant l'an prochain.
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