Trois cas de carcinomes hépatocellulaires (CHC) sur cinq sont dus à des facteurs de risques évitables tels que les hépatites virales, la consommation excessive d’alcool ou l’obésité et le diabète conduisant à la maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD). Or dans un contexte de croissance démographique et de vieillissement de la population, sans action des pouvoirs publics, la commission du Lancet sur le carcinome hépatocellulaire prévoit un quasi doublement des nouveaux cas dans le monde d’ici à 2050 ( de 870 000 en 2022 à 1,52 million par an). Les cas dus à la MASLD augmenteront particulièrement, de 35 % à cette échéance, suivis de ceux liés à la consommation d’alcool.
Composée d'experts de six pays (Chine, États-Unis, Corée du Sud, Italie, Espagne et France), la commission appelle donc « à une sensibilisation accrue du public, des médecins et des responsables politiques au risque croissant de MASLD, en mettant l'accent sur les groupes à haut risque, notamment les personnes souffrant de diabète et d’obésité ». Aujourd’hui, le cancer du foie est la 3e cause de décès par cancer dans le monde, avec une survie moyenne à 5 ans de 30 %.
La commission propose l’objectif d’une réduction annuelle de 2 à 5 % du nombre de nouveaux cas qui permettrait d’éviter, selon elle, jusqu'à 17 millions de cas et 15 millions de décès. Pour y arriver, elle mise sur l’amélioration de la couverture vaccinale contre l'hépatite B et des politiques de santé publique ciblant l'obésité et la consommation d’alcool.
« Il est urgent de sensibiliser la société à la gravité du problème de santé croissant que constitue l'augmentation du nombre de cas de cancers. Le cancer du foie est agressif, peu chimiosensible. Il se développe chez des patients fragilisés par une maladie hépatique sous-jacente. Connaître les facteurs de risque doit permettre de définir des stratégies de prévention spécifiques et de diagnostiquer les cancers dès les stades précoces. Grâce à des efforts conjoints et continus, nous pensons que de nombreux cas peuvent être évités et que la survie et la qualité de vie des patients seront considérablement améliorées », déclare la Pr Valérie Paradis, anatomopathologiste à l’hôpital Beaujon et membre de la commission, au Quotidien.
Les hépatites B à l’origine de plus d’un tiers des CHC en 2050
D’après l’étude, la proportion de cas de CHC associés à la MASLD passera de 8 % en 2022 à 11 % en 2050, « particulièrement aux États-Unis, en Europe et en Asie, en raison de l'augmentation du taux d’obésité », et celle des cas associés à l'alcool passera de 19 % en 2022 à 21 % en 2050. « En France, il existe en effet une augmentation des cas liés à la consommation excessive d’alcool et à l’obésité avec, souvent, une accumulation de facteurs de risque », commente la Pr Paradis.
La proportion de cas de CHC liés au virus de l’hépatite B (VHB) devrait diminuer de 39 % en 2022 à 37 % en 2050, tandis que les cas liés au virus de l’hépatite C (VHC) devraient passer de 29 % à 26 % au cours de la même période. Toutefois, les hépatites virales resteront, d’ici à 2050, les principales causes de CHC, incitant à « renforcer la vaccination contre le VHB », notamment en Afrique et dans les régions aux ressources faibles où la couverture reste faible en raison « de son coût, des réticences à se faire vacciner, de la méconnaissance de son efficacité » et « faute d’obligation vaccinale ».
De surcroît, « si nous disposons d’un traitement efficace contre le VHC, il faut rester vigilants à la surveillance de ces patients traités dont le foie cirrhotique les expose encore à un risque de cancer », précise la Pr Paradis. Selon l’anatomopathologiste, des progrès sont encore à réaliser dans le champ de la médecine personnalisée : « Si nous bénéficions d’une large gamme de traitements pour le CHC (dont la transplantation hépatique), en fonction de l’étendue du cancer, aucun marqueur prédictif de réponse au traitement n’est actuellement disponible. La performance diagnostique de l’imagerie (capable d’identifier un CHC au sein d’une cirrhose) a freiné le développement de marqueurs tissulaires pronostiques et prédictifs de réponse potentiellement apportés par la biopsie des tumeurs. Toutefois, la communauté scientifique remet à l’ordre du jour la réalisation des biopsies pour une prise en charge adaptée et personnalisée. »
L’OMS classe l’hépatite Delta comme cancérogène
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé ce 28 juillet, à l’occasion de la journée mondiale contre les hépatites, que l’hépatite Delta était désormais qualifiée de cancérogène, selon une récente classification du Centre international de recherche contre le cancer (Circ). L’agence onusienne appelle à une meilleure prévention des infections hépatiques virales (A, B, C, D et E) pour lutter contre le cancer du foie.
Miser sur la vaccination contre le VHB et la fiscalité comportementale
La commission établit dix recommandations pour réduire la charge mondiale du cancer du foie, parmi lesquelles :
- Les gouvernements devraient intensifier leurs efforts pour accroître la vaccination contre le VHB - par exemple en imposant des vaccins dans les pays à forte prévalence - et mettre en œuvre un dépistage universel du VHB pour les adultes, ainsi qu'un dépistage ciblé du VHC dans les zones à haut risque.
- Les décideurs politiques devraient adopter un prix unitaire minimum pour l'alcool, des étiquettes d'avertissement et des restrictions en matière de publicité pour les boissons alcoolisées.
- Les autorités sanitaires devraient donner la priorité aux investissements dans les campagnes de sensibilisation du public et au déploiement de ressources de détection précoce.
- Les organisations professionnelles et l'industrie pharmaceutique devraient collaborer pour réduire les différences entre les régions orientales et occidentales du monde dans la prise en charge clinique du cancer du foie.
- Les hôpitaux devraient proposer des formations en soins palliatifs, dans le but de les proposer précocement aux patients qui en ont besoin.
Par ailleurs, la commission propose d’intégrer le dépistage des lésions hépatiques en routine pour les patients à risque élevé de Mash (stéatohépatite associée à un dysfonctionnement métabolique), et de renforcer les conseils sur le mode de vie. Enfin elle plaide en faveur d’actions efficaces pour promouvoir une alimentation saine, comme des taxes sur le sucre et un étiquetage clair sur les produits riches en graisses, en sel et/ou en sucre.
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