Alors que les mesures prises pendant la pandémie de Covid avaient stoppé la circulation de la rougeole en France, la région Auvergne-Rhône-Alpes connaît « une recrudescence des cas depuis 2023 » et plusieurs cas groupés sans lien entre eux ont été signalés depuis le début de l’année, a indiqué Christine Saura, responsable régionale de Santé publique France, lors d’un point presse de l’Agence régionale de santé (ARS), le 13 mars.
Après plusieurs foyers en Ardèche, dans la Drôme et en Haute-Savoie l’an dernier, des clusters sont apparus dans quatre communes urbaines voisines jouxtant la ville de Lyon. Le 22 janvier, un premier cas était enregistré chez un enfant, contaminé lors d’un voyage aux Émirats arabes unis. Non vacciné, l’enfant est scolarisé dans une école privée de Décines, dans laquelle l’épidémie s’est développée (10 cas). Deux cas ont aussi été comptabilisés dans sa famille.
À partir de mi-février, de nouveaux groupes de cas ont été signalés sans lien établi avec le premier établissement scolaire, avec un voyage ou entre eux : 3 cas (1 enfant non vacciné et 2 adultes) liés à une école publique de Meyzieu ; 2 autres dans un collège privé de Décines ; un cas isolé chez un enfant de moins de 5 ans à Bron ; et sept autres dans une crèche de Saint-Priest. Ce tableau épidémique marque le « début d’une circulation dans la population de ces communes urbaines voisines proches de Lyon », juge Christine Saura.
Au total, 25 cas ont été recensés, dont 22 enfants, entre le 24 janvier et le 8 mars (date du dernier cas). Sept personnes ont été hospitalisées dont 5 enfants de moins de 1 an pas encore vaccinés. Trois ont eu une complication de type pneumopathie rougeoleuse.
Une première dose avant 1 an offre une moindre protection dans le temps
Parmi l’ensemble des cas, 13 étaient non vaccinés dont 6 enfants de 12 mois ou moins, un était vacciné avec une seule dose et 8 étaient vaccinés 2 doses. Pour 3 cas, le statut vaccinal n’était pas connu. Chez les vaccinés 2 doses, quatre personnes avaient reçu une première dose avant l’âge de 1 an. Si la première injection est actuellement recommandée à 12 mois avant une deuxième à 16/18 mois, ce n’était pas le cas avant 2013, date jusqu’à laquelle l’entrée en collectivité était conditionnée à un schéma vaccinal démarré avant 1 an. Depuis, les recommandations ont évolué prenant en compte une moindre protection dans la durée quand la première dose est injectée avant 12 mois, a expliqué Christine Saura.
Lors d’un épisode épidémique dans un collège de l’Ardèche avec 64 cas entre août et novembre 2023, « 100 % des élèves qui n’étaient pas vaccinés ont eu la rougeole dans cet établissement, contre 6 % des élèves vaccinés par deux doses », rappelle-t-elle. Après investigation, « 80 % de ces élèves vaccinés deux doses avaient en fait reçu leur première dose avant l’âge de 1 an, ce qu’on sait être un facteur de moindre protection dans la durée ».
Vérifier le statut vaccinal
Face au risque de contamination et de formes sévères, « une mesure de prévention est efficace, c’est la vaccination », insiste le Dr Bruno Morel, directeur délégué en charge de la veille et de l’alerte sanitaire au sein de l’ARS. Il encourage chacun à « vérifier son statut vaccinal et celui de ses enfants ». La recommandation cible particulièrement les personnes nées après 1980, celles nées avant cette date ayant une très forte probabilité d’avoir contracté la maladie et d’être immunisées.
Selon l’évolution de la situation épidémique localement, les parents des enfants en crèche pourront être encouragés à anticiper la deuxième dose, celle-ci pouvant être administrée avant les 16 mois de l’enfant si un intervalle d’un mois entre les deux doses est respecté.
L’ARS a adopté une stratégie de communication « en anneau », explique le Dr Morel, avec une extension progressive des messages pour alerter « les bonnes personnes au bon moment ». Des informations ont déjà été adressées aux médecins et pharmaciens via les Ordres et les Unions régionales des professionnels de santé (URPS). De même pour les services d’urgence, les maisons médicales de garde, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du territoire, mais aussi pour l’Éducation nationale et les services de protection maternelle et infantile (PMI). Une réunion d’information est programmée avec les biologistes et un webinaire à destination des soignants de la région est en préparation.
Des signes « pas toujours spécifiques » avant les éruptions cutanées
Les généralistes sont incités à évoquer la rougeole devant l’apparition des symptômes de forte fièvre, de toux, d’écoulement nasal, de conjonctivite et de fatigue. Ces signes « pas toujours spécifiques » précèdent de quelques jours les éruptions cutanées qui « signent la maladie », rappelle le Dr Morel. Les premiers symptômes doivent conduire à un isolement pour limiter la propagation. L’efficacité de cette mesure est une « leçon du Covid », poursuit-il, recommandant également le port du masque en cas de symptômes évocateurs. Les généralistes doivent « penser au diagnostic biologique pour confirmation », ajoute-t-il.
La situation épidémique actuelle « peut paraître peu inquiétante » mais elle « peut très rapidement le devenir et échapper à notre contrôle », avertit le Dr Morel. C’est une « menace importante » en raison de la capacité de transmission de la rougeole. « On a coutume de dire qu’une personne peut contaminer jusqu’à 20 personnes », ajoute-t-il.
À l’approche d’une période de voyages et de déplacements et des Jeux olympiques, la situation inquiète par « son potentiel d’extension locale, voire au-delà », résume-t-il, alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alertait en février 2024 sur la hausse des cas dans le monde en 2023 après plusieurs années de baisse de la couverture vaccinale en lien avec le Covid. Plus de 300 000 cas ont été enregistrés dans le monde, dont 30 000 dans la zone Europe.
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