En marge du 48e colloque du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (SNMPMI), qui s'est tenu à Paris, le Dr Pierre Suesser, coprésident du syndicat, dresse un état des lieux inquiétant du secteur. Il sonne l’alarme sur la pénurie d'effectifs et de moyens, qui ne cesse de s'aggraver, et se déclare dans une « attente anxieuse » avant les prochaines « Assises de la pédiatrie », début 2024.
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : L’intitulé de votre colloque – « Prévenir ou protéger : faut-il choisir ? » – est-il une question rhétorique ou la PMI est-elle véritablement contrainte de faire ce choix, faute de moyens ?
Dr PIERRE SUESSER : La prévention et le soin ne sont pas du tout incompatibles mais complémentaires. Mais derrière cette question, il y a en effet les conditions d'exercice des médecins de PMI, qui se dégradent. Aujourd’hui, la mission de protection prend souvent le pas sur leur mission de prévention, compte tenu des moyens limités dont disposent les services de PMI. Les pouvoirs publics ne sont pas du tout à la hauteur !
Concrètement, comment cela se traduit-il au quotidien ?
Les départements demandent aux services de PMI de se porter sur le terrain de la gestion des « informations préoccupantes », en lien avec les services sociaux ou d’aide sociale à l’enfance, et ceci au détriment de visites à domicile ou de consultations pour aider les femmes enceintes.
Nous souffrons déjà depuis longtemps d'une pénurie de médecins et il commence maintenant à y avoir une pénurie de puéricultrices et de sages-femmes dans certains départements qui peinent à recruter. L’attractivité financière de ces métiers est insuffisante. Pourtant, quand les internes de médecine générale ou de pédiatrie viennent en stage dans nos services, ils se disent très intéressés par la pratique de la PMI, tant sur le plan clinique que dans l’organisation collective et pluridisciplinaire. C’est une pratique différente de celle qu’ils ont connue à l’hôpital ou en ville.
Que préconisez-vous pour créer un choc d’attractivité ?
Il faut que le ministère de la Santé se mette autour de la table avec les départements et qu’ils décident ensemble de priorités concertées en matière d’objectifs de santé pour la PMI. Mais surtout, il faut une injection massive de moyens. Cela passe par une revalorisation statutaire de l’ensemble des métiers de la PMI. On ne peut plus avoir des médecins qui commencent à 2 600 euros et qui terminent en fin de carrière, pour la plupart, à 4 000 euros. 4 000 euros, c’est en dessous du salaire des praticiens hospitaliers en début de carrière ! Et dans un centre de santé, on embauche les jeunes médecins à 5 000 euros. Il faut aligner les salaires.
Êtes-vous entendu par les tutelles ?
Je pense qu’il va falloir batailler. Nous sommes dans une attente anxieuse des décisions qui pourraient être annoncées lors des Assises de la pédiatrie prévues pour janvier prochain. Je sais que le groupe prévention a proposé, en ce qui concerne les médecins, un statut commun qui leur permettrait d’avoir soit une activité complète en PMI, en médecine scolaire ou en centre de santé, soit d’avoir une activité partagée, par exemple, un mi-temps en centre de santé et un mi-temps en PMI.
Je ne sais pas si cette piste de statut unifié a été retenue par les deux copilotes de la « stratégie décennale » de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, Adrien Taquet et la Pr Christelle Gras Le Guen, et encore moins si le ministère donnera suite. Pourtant, ce serait envoyer un signal fort à tous les jeunes médecins intéressés par des carrières de médecine salariée en leur disant : « Vous pouvez venir en PMI, vous ne serez pas sous-payés. Ce n’est pas une sous-médecine ! »
Combien de médecins exercent dans les services de PMI aujourd’hui ?
Selon les chiffres de la Drees qui remontent à 2022, nous sommes passés de 2 200 équivalents temps plein à 1 700 ETP entre 2010 et 2019. On peut être certain que les effectifs médicaux ont continué à baisser, compte tenu de la courbe démographique du secteur et du nombre croissant de départs à la retraite.
L’État est complètement défaillant sur le plan financier. Nous n’avons connu que très peu de créations de postes, malgré l’enveloppe de 100 millions d’euros débloquée sur trois ans, entre 2020 et 2022. Si, dans certains départements, des vacations ont certes été mises en place, nous sommes incapables d’avoir une vision nationale précise sur le renforcement de l'activité de PMI.
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