Des milliers de blessés et plusieurs dizaines de décès signalés, sans doute davantage en réalité. Le lourd bilan humain à Mayotte après le passage du cyclone Chido le 14 décembre reste difficile à établir précisément, alors que l’ensemble du réseau habituel de surveillance (médecins, pharmaciens, biologistes, associations, etc.) a été perturbé. Dresser un état de la situation, voilà la tâche décisive pour la santé des Mahorais, à court et moyen termes, à laquelle s’attelle Santé publique France (SPF) dans son premier bulletin épidémiologique hebdomadaire après la catastrophe, en s’adaptant aux contraintes locales et en s’appuyant sur l’aide de 8 réservistes sanitaires sur les 77 mobilisés sur l’île.
La mortalité attribuable au cyclone (27 personnes le 28 décembre) reste encore très imprécise du fait de la difficulté à déclarer les décès, SPF travaillant à dresser un bilan consolidé incluant les victimes communautaires (39 décès le 24 décembre selon la préfecture) avec l’aide des maires et des associations.
Au CH de Mayotte (CHM), du 21 au 29 décembre, une semaine après le passage du cyclone, 1 440 passages aux urgences ont été enregistrés, quand 100 à 150 étaient comptabilisés par jour auparavant. Devant les diarrhées et vomissements, les traumatismes et les plaies restaient les motifs principaux de recours aux urgences, parfois surinfectés, « nécessitant parfois des interventions chirurgicales lourdes (amputations, traitement de fasciites nécrosantes) », ce qui traduit les retards dans la prise en charge. Pour exemple, SPF rapporte que la journée du 26 décembre compte une amputation avec choc septique et une fasciite nécrosante. Ont été hospitalisés 36 patients en orthopédie, 53 en pédiatrie, 26 en chirurgie générale et 29 en réanimation. Neuf décès sont survenus au CHM sur la période. Quant aux décompensations des maladies chroniques, « non négligeables », elles « risquent d’augmenter dans les semaines à venir du fait des ruptures de soin et de traitements », souligne SPF.
Détecter précocement les épidémies
Le nombre de passages aux urgences a commencé à baisser à partir de l’ouverture de l’hôpital de campagne Escrim, le 24 décembre. Entre le 24 et le 29 décembre, il a pris en charge 1 170 patients, dont près d’un tiers pour traumatismes (31,7 %). Conçu pour accueillir 100 patients par jour, l’Escrim a dépassé le seuil prévu dès l’ouverture avec 113 patients, un chiffre qui s’est stabilisé à 200 patients dès le deuxième jour. Parmi ces patients, 34 ont été hospitalisés et 18 transférés au CHM.
Dans les centres de santé (centres médicaux de référence Sud et de Petite-Terre, dispensaire de Jacaranda), là aussi, les traumatismes restent nettement le motif principal de consultation, devant les pathologies respiratoires (la bronchiolite circule toujours), les diarrhées et douleurs abdominales et les infections cutanées. Les personnes s’y rendant sont principalement âgées de 5 à 64 ans.
Alors que le risque infectieux, notamment lié à l’eau, est surveillé de très près, les gastro-entérites (GEA) augmentent avec une hausse de la positivité des prélèvements (trois quarts de prélèvements positifs concernent des moins de 2 ans). Les principaux pathogènes identifiés restaient les bactéries, notamment, E. coli, tandis qu’une reprise de l’épidémie à rotavirus était constatée.
Pour la suite, la destruction des infrastructures et l’accès limité à l’eau potable font redouter à SPF une hausse « des maladies hydriques (choléra, GEA à rotavirus), de leptospirose ainsi que d’infections respiratoires comme la bronchiolite ». À moyen terme, outre la prise en charge des maladies chroniques, la gestion des troubles de santé mentale sera « primordiale ». Déjà, « près de 48 % des foyers enquêtés lors des maraudes communautaires ont signalé des troubles psychologiques (stress, peur) », rapporte SPF.
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