L’augmentation constante de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH) chez les enfants et les jeunes adultes, mais aussi chez les femmes, dans le nord de la France suggère des facteurs de risque environnementaux. Telle est l’une des conclusions de l’étude Epimad, qui décrit l’incidence, la prévalence et la présentation clinique des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Mici) d’une cohorte du nord de la France (Nord-Pas-de-Calais, Seine-Maritime, Somme) entre 1988 et 2017.
Dans cette étude publiée dans The Lancet Regional Health – Europe, les auteurs retrouvent une augmentation en 30 ans de l’incidence des Mici dans le nord de la France, particulièrement marquée chez les enfants, les jeunes adultes et les femmes, ainsi qu’un vieillissement de la population atteinte de Mici.
Selon eux, cette augmentation se poursuivra dans les années à venir, projetant une prévalence à 5 ans dans cette région de 0,6 %. Cette dynamique se démarque particulièrement du reste de l’Europe de l’Ouest, l’incidence des Mici ayant tendance à s’y stabiliser ces dernières années.
L’équipe émet ainsi plusieurs hypothèses pour expliquer ces hausses, avançant en particulier les facteurs environnementaux, dont l’alimentation et le tabac, et appelle à préparer le système de santé au nombre croissant de patients atteints d’une Mici.
Augmentation chez les jeunes et les femmes
Parmi les 5 899 200 individus du nord de la France inclus dans le registre Epimad, les auteurs retrouvent 22 879 nouveaux cas de Mici entre le 1er janvier 1988 et le 31 décembre 2017, dont 59 % de MC, 38 % de RCH et 3 % de Mici non classée, soit une incidence de 12,7/100 000 personnes-années (PA). L’âge médian au diagnostic était de 26 ans pour la MC et de 35 ans pour la RCH ; et quelque 10 % des individus atteints avaient un antécédent familial de Mici.
Sur toute la période, l’incidence de la MC était significativement plus élevée chez les femmes que chez les hommes (8/100 000 contre 6,4/100 000 PA, IRR = 1,25) ; dans la RCH, l’incidence était significativement plus faible chez les femmes (4,5 contre 5,7/100 000 Pa, IRR = 0,83) avec un âge médian au diagnostic plus jeune chez les femmes que chez les hommes (32 vs. 38 ans). Au global, les auteurs relèvent +1,9 % de MC entre 1988-1990 et 2015-2017 et +1,3 % pour les RCH.
Pour ces deux pathologies, les auteurs retrouvent que l’augmentation de l’incidence annuelle des MC et des RCH était la plus marquée chez les enfants, respectivement + 4,3 % par an et +5,4 % par an.
Des causes plutôt identifiées
Face à ces constats épidémiologiques, les auteurs proposent plusieurs hypothèses, pointant notamment les aliments ultra-transformés et la sédentarité chez les jeunes. Concernant les femmes, les scientifiques suggèrent un rôle des hormones féminines dans les Mici, « un changement étant observé dans le sex-ratio aux alentours de la puberté et de la ménopause, notamment dans la MC ». Deux études américaines ont ainsi retrouvé une association entre les contraceptifs oraux œstrogéniques et un surrisque de MC, bien que les données sur la contraception ne soient pas disponibles dans la cohorte Epimad.
Les auteurs pointent également l’arrêt du tabac comme facteur pouvant augmenter l’incidence de la RCH, des études ayant proposé le tabagisme comme protecteur contre cette pathologie. Ainsi, les femmes arrêtant de fumer généralement plus tôt que les hommes, notamment du fait des grossesses, les auteurs pensent que cela pourrait influer sur l’incidence élevée de RCH chez la femme jeune ; cependant, là encore, les données n’étaient pas disponibles pour cette cohorte. Enfin les auteurs s’intéressent à l’appendicectomie, connue comme protectrice de RCH et moins pratiquée depuis 1990, notamment chez les femmes.
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP
Vers un plan Maladies rénales ? Le think tank UC2m met en avant le dépistage précoce