En choisissant le thème de l’impact de la pollution plastique sur la santé humaine, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) fait preuve d’un sens du timing : ce 25 novembre s'ouvre en effet à Busan (Corée du Sud) le 5e et dernier cycle de négociations en vue de l'établissement d'un accord mondial sur la pollution plastique. « Et compte tenu des signes que nous avons eus récemment, nous sommes pessimistes quant à la portée du futur accord », affirme, résigné, le sénateur Les Républicains de Maine-et-Loire Stéphane Piednoir, président de l'Opecst.
L’homme moderne, multi-exposé
La présence de microplastiques dans les aliments est déjà largement décrite : depuis 2014, des quantités allant jusqu’à 1 000 fragments de microplastiques par kg ont été successivement retrouvées dans la bière, le sel de table, le thé, les fruits et légumes, le lait, les boissons sucrées, les œufs et la viande. Et la liste n’en finit pas de s’allonger.
Chez l’homme, des microplastiques ont été mis en évidence dans le poumon, le foie, le système circulatoire, dans des thrombus veineux, dans le système urinaire et même dans le placenta humain (confirmé par des études de 2022 et 2024 faites à partir des fausses couches). « L’Homme de 2024 est imprégné de plastique, ce n’était pas le cas en 2000 », s’alarme Fabienne Lagarde, chercheuse de l’Institut des molécules et matériaux du Mans.
L’équivalent d’une carte de crédit ingérée par semaine
Muriel Mercier-Bonin, directrice de recherche à l’unité Toxalim de l’Inrae, s’intéresse aux conséquences pour la santé digestive de l’ingestion de plastiques particulaires. Cette discipline en plein essor est sujette à d’âpres discussions. « En 2019, on avait mesuré qu’une carte de crédit est ingérée en moyenne chaque semaine (5 g), se souvient Muriel Mercier-Bonin, mais il y a des débats liés à l’incertitude des sources de données. Certaines estimations parlent plutôt de 4,1 microgrammes par semaine. » Dans les modèles animaux, « la présence de microplastiques provoque des dysbioses avec une diminution des acides gras à chaîne courte comme le butyrate et une augmentation des bactéries néfastes », explique Muriel Mercier-Bonin.
« Dans les poumons, les particules de moins de 300 micromètres ne sont pas éliminées par la clairance mucociliaire, explique pour sa part Sonja Boland de l’université Paris Cité. On sait désormais que les microplastiques peuvent remonter les nerfs olfactifs pour atteindre le cerveau. » Dès les années 1970, des études montraient la plus grande fréquence des cancers du poumon chez les ouvriers travaillant dans l’industrie du plastique, ainsi qu’une augmentation des essoufflements, de l’inflammation et de la fibrose. « On a aussi constaté davantage de plastiques dans certaines tumeurs pulmonaires ou chez les patients atteints de rhinites allergiques, mais il faut vérifier s’il existe un lien de cause à effet », poursuit Sonja Boland.
On ne peut pas se permettre d’attendre que toutes les études soient faites pour légiférer
Muriel Mercier-Bonin
Chercheuse à l’Inrae
Les capacités des scientifiques complètement saturées
Omniprésents et de plus en plus diversifiés dans leurs tailles, formes et compositions, « les nanoplastiques posent des problèmes aux scientifiques, estime Guillaume Duflos, responsable du laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses à Boulogne-sur-Mer. Nous rencontrons des difficultés, même avec une matrice relativement simple comme l’eau. Des aliments comme le thé ou le riz posent des défis analytiques supplémentaires. »
Et pourtant, il y a urgence, prévient Muriel Mercier-Bonin : « On ne peut pas se permettre d’attendre que toutes les études soient faites pour légiférer », alerte-t-elle. Selon Martin Wagner de l'université norvégienne des sciences et des technologies à Trondheim, 4 200 produits chimiques utilisés dans les plastiques sont considérés comme dangereux, « et c’est seulement faute de données disponibles sur les autres composés que ce nombre n’est pas plus élevé », s’inquiète-t-il.
Depuis 2016, un nouveau produit chimique employé par l’industrie plastique est enregistré toutes les 80 secondes en moyenne. Un rythme bien trop soutenu pour les équipes chargées d’en faire l’évaluation. Pour Guillaume Duflos, « le premier principe de précaution serait de diminuer la diversité de formulation des plastiques pour réduire nos difficultés analytiques immenses. Il faut imposer des formulations beaucoup plus limitées aux fabricants. »
Dans l’attente de l’ultime rencontre de Busan, un collectif international pluridisciplinaire de 400 chercheurs indépendants recommande que la production de plastique primaire soit réduite de 40 % dans le monde, pour revenir au niveau de 2015. Seuls la Norvège et le Pérou ont pour l’instant adhéré à cette proposition.
La production de plastique pourrait doubler d’ici à 2030
Plus de 4 000 plastiques différents sont produits dans le monde. En 2024, plus de 500 millions de tonnes ont été fabriquées, plus du double par rapport à 2010. Les experts de l'OCDE s'attendent à ce que cette quantité double encore d'ici à 2030. Tous les secteurs d'utilisation sont en augmentation, celui de l'emballage absorbe à lui seul 30 % des plastiques produits. En 2020, moins de 10 % des déchets plastiques dans le monde sont recyclés, 17 % sont incinérés et environ la moitié sont mis en décharge, le reste (environ 20 %) finit directement dans la nature. En France, le taux de recyclage est un peu plus élevé : 600 000 tonnes recyclées sur les 3,6 millions de tonnes produites chaque année.
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