Au cours de ces dernières années, les modalités de dépistage du cancer du col de l’utérus ont évolué. Désormais, le test HPV – beaucoup plus sensible que la cytologie – est préconisé en première intention pour les femmes de plus de 30 ans, la cytologie restant en revanche la règle entre 25 et 30 ans. En parallèle, un programme organisé ciblant toutes les femmes de 25 à 65 ans a été mis en œuvre pour tenter d’atteindre celles passant à travers les mailles du filet du dépistage opportuniste.
Sur le papier, ces évolutions devraient permettre de prévenir davantage de cancers. Mais sur le terrain, certaines pratiques pourraient venir gripper la machine, comme l’ont pointé plusieurs experts lors d’une conférence de presse organisée par la Société française de colposcopie et de pathologie cervico-vaginale (SFCPCV) en amont de son congrès annuel.
Du co-testing sauvage
Alors qu’après 30 ans, il est clairement recommandé de ne faire la cytologie qu’en cas de test HPV positif, « on a pu observer qu’une partie des professionnels faisaient du co-testing et réalisaient les deux tests en même temps », indique le Dr Christine Bergeron, présidente de la SFCPCV. La pratique pourrait concerner jusqu’à 5 à 10 % des dépistages. Or, que ce soit en termes de prévention des lésions précancéreuses (CIN3 +) ou cancéreuses, plusieurs études ont bien montré que « cela n’apporte aucun bénéfice, même à long terme ». A contrario, le co-testing « crée des situations de discordance inutiles potentiellement péjoratives pour les patientes qui peuvent se retrouver avec des anomalies cytologiques sans signification (type ASC-US) qui les inquiètent alors que l’HPV est négatif ».
De plus, « on va engorger les colposcopistes », met en garde le Dr Bergeron alors que la nouvelle stratégie de dépistage a déjà pratiquement fait doubler les indications de colposcopie, qui concernent désormais 5 à 10 % des femmes dépistées contre 3 à 6 % auparavant.
Des remontées bloquées par le RGPD
Autre difficulté actuelle : la remontée des données aux structures autorisées. Le dépistage organisé implique d’envoyer les résultats des examens aux centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) afin de permettre le suivi des patientes et l’optimisation de leur prise en charge. Dans le cadre du règlement RGPD, cette transmission des données ne peut se faire sans l’accord des patientes. Celui-ci doit donc systématiquement être recueilli par le préleveur. Or, dans la pratique, « la plupart des médecins ne cochent pas les cases et on ne transfère plus rien », alerte le Dr Bergeron.
Plus classiquement, comme pour le cancer du côlon ou celui du sein, le dépistage organisé du cancer du col se heurte encore à une adhésion insuffisante. « À ce jour, seulement 60 % des femmes participent au dépistage, déplore le Dr Bergeron. Il est donc urgent de convaincre les autres de répondre aux invitations. » Sous réserve que celles-ci soient bien envoyées. Or, actuellement, « encore beaucoup de femmes ne les reçoivent pas ».
À quand l’autoprélèvement ?
Le recours à l’autoprélèvement (APV) pourrait changer la donne. En mai, l’Institut national du cancer (Inca) a publié un référentiel qui valide l’utilisation de l’autoprélèvement dans le dépistage du cancer du col chez les femmes non répondeuses de plus de 30 ans. La réalisation d’un test HPV sur APV devrait ainsi être proposée aux patientes de 30 à 65 ans qui ne se font jamais ou insuffisamment dépister, avec l’envoi d’un kit de prélèvement à domicile. S’il permet de toucher certaines populations peu accessibles au dépistage classique, de respecter la pudeur des femmes et de réaliser un examen virologique avec des performances équivalentes à celle d’un test HPV réalisé par un professionnel de santé, ce type de prélèvement ne permet pas de réaliser d’examen cytologique dans la foulée. Ainsi, en cas de résultat positif, la patiente devra être convoquée pour un frottis classique. Or plusieurs études ont montré que si cette stratégie contribue à augmenter significativement l’accès initial au dépistage, une proportion importante de patientes ne va pas plus loin en cas de résultat positif.
Par ailleurs, si le principe de l’APV est acté, « l’Inca a énormément d’avance par rapport à la réalité du terrain », nuance le Pr Xavier Carcopino, vice-président de la SFCPCV. À la fois en termes d’organisation mais aussi car, pour le moment, « on n’a pas encore de test validé de façon consensuelle ».
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