Alors que la pratique du lissage brésilien est « en nette augmentation chez les femmes, mais aussi chez l’homme, et en particulier dans les populations aux cheveux frisés », l’Académie de médecine alerte sur le risque d’insuffisance rénale aiguë lié aux produits chimiques utilisés. Professionnels de santé, salons de coiffure et commerces de produits cosmétiques devraient être sensibilisés à cette complication qui se manifeste « dans les 24 à 48 heures après les gestes techniques », estime l’Académie qui invite à diffuser des messages d’information.
Le lissage des cheveux à l’aide d’agents chimiques est une technique de coiffure très répandue dans le monde et appelée procédure « brésilienne », rapporte l’Académie dans un communiqué. Elle permet d’obtenir un aspect lisse et brillant des cheveux qui peut durer plusieurs mois.
Les produits de lissage ont déjà fait l’objet d’alerte. « À l’origine, le formaldéhyde était utilisé pour ce défrisage », rappelle l’Académie. Des risques de cancer du sein et de l’ovaire, et plus récemment un risque doublé de cancer de l’endomètre, ont été rapportés à l’utilisation de produits de lissage, notamment en lien avec le formaldéhyde. « Classé cancérigène, il a été remplacé, dès 2013, par des dérivés de l’acide glycolique (employé dans des “peelings” du visage), notamment l’acide glyoxylique », explique l’Académie. L'exposition à l'acide glyoxylique peut se produire par inhalation ou par contact cutané et oculaire.
Si aux États-Unis, en 1998, le Cosmetic Ingredient Review, une association de l’industrie créée en 1976 avec le soutien de la Food and Drug Administration et une fédération de consommateurs, a considéré les dérivés de l’acide glycolique comme « sûrs » pour une utilisation courte, une concentration ≤ 30 % et un pH final de formulation ≥ 3, c’est « sans toutefois justifier ces limites » et des articles scientifiques récents ont alerté sur certains risques.
Formation de cristaux d’acide oxalique au niveau rénal
« En 2023, des lésions d’insuffisance rénale aiguë régressive avec présence de cristaux d’oxalate de calcium dans les biopsies rénales ont été décrites chez 26 jeunes patientes, après une procédure de lissage des cheveux “à la brésilienne”, ce que confirme une observation récente rapportant le cas d’une femme de 26 ans, sans antécédent médical, qui a présenté trois épisodes consécutifs d’insuffisance rénale aiguë régressifs après un défrisage des cheveux », lit-on. Dans cette correspondance publiée dans The New England Journal of Medicine, le produit contenait 10 % d’acide glyoxylique. L’insuffisance rénale aiguë était liée à la formation de cristaux d’acide oxalique au niveau des tubules rénaux, cristaux induits par l’acide absorbé par le cuir chevelu et la peau lors du lissage, résume l’Académie. Ce lien de causalité était confirmé par l’application sur la peau de souris d’un produit de lissage contenant 10 % d’acide glyoxylique, induisant en 24 heures des cristaux d’oxalate de calcium dans les urines. Aucun dépôt de ce type n’était observé chez les souris témoins chez lesquelles était appliquée une crème contrôle.
Par ailleurs, l’acide glycolique, métabolisé en acide glyoxylique, est aussi très utilisé pour les « peelings » du visage à des concentrations le plus souvent proches de 30 %. L’absorption de l’acide glycolique par la peau dépend du pH du produit, de sa concentration, de la durée d’exposition sur la peau et des propriétés lipophiles du produit. Une observation d’insuffisance rénale aiguë, chez un patient transplanté rénal depuis quatre ans, a été décrite après cinq « peelings » du visage à l’acide glycolique (à une concentration entre 40 et 70 %). La biopsie rénale a révélé la présence de cristaux d’oxalate.
Face à ce risque méconnu, l’Académie de médecine insiste aussi sur « l’importance d’informer les utilisateurs sur les risques en cas d’usage fréquent de ces produits lissants, et sur les signes de l’insuffisance rénale aiguë, notamment douleurs abdominales aiguës, nausées, vomissements d’apparition rapide ». L’instance recommande de ne pas réaliser de lissage des cheveux ou de « peeling » en cas de lésions du cuir chevelu ou de la peau du visage, ce qui augmente la pénétration de l’acide glyoxylique et de l’acide glycolique. Pour l’Académie, la mise en place d’une cosmétovigilance permettait de mieux évaluer l’ampleur du phénomène et d’établir un profil des patients les plus à risque.
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