Glyphosate : un rapport de l’Anses publié avec 8 ans de retard questionne la qualité des évaluations

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Publié le 27/03/2024

Les révélations du journal Le Monde sur un rapport de l’Anses évaluant la génotoxicité du glyphosate « enterré » pendant 8 ans pourrait relancer le débat sur la pertinence de sa ré-autorisation pour 10 ans en Europe, actée fin 2023.

Crédit photo : GARO/PHANIE

L’affaire jette un trouble sur les procédures d’évaluation des pesticides dans l’Union européenne. Dans un article publié le 25 mars, le journal Le Monde fait état de ses démarches pour obtenir un rapport de l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) évaluant la génotoxicité associée aux co-formulants des produits à base de glyphosate.

Finalisée en 2016, cette expertise n’avait jusque-là pas été rendue publique. « Une première dans l’histoire de l’Anses », souligne le journaliste du Monde, Stéphane Foucart. En octobre 2021, ce dernier a demandé la communication du document à l’Agence qui lui a opposé un refus, arguant « que le rapport n’avait pas été formellement adopté ». Une requête a été déposée auprès du tribunal administratif de Melun pour l’obtenir. Alors que l’audience se tenait le 26 mars, l’Anses a finalement publié le rapport le 25 mars, dans un « souci de transparence », explique une notice accompagnant la publication.

Divergence sur la pertinence des tests à effectuer

Pour justifier la non-diffusion de ce document en 2016, l’Agence indique que le travail d’analyse de ses experts était rendu inutile avec la mise en place en février 2016 par la Commission européenne d’un « groupe de travail » sur le même sujet. Pour la réévaluation de la substance en 2017, des tests de génotoxicité ont bien été exigés et « ont permis de s’assurer de l’absence de potentiel génotoxique des produits », plaide l’Anses. Plusieurs co-formulants génotoxiques des produits à base de glyphosate ont été retirés du marché européen en mars 2021.

Pour autant, les tests demandés au niveau européen ne correspondent pas aux exigences réclamées par les experts de l’Anses. Dans leur rapport de 2016, ils estiment que les analyses réglementaires (test d’Ames sur le potentiel mutagène d’un composé sur des bactéries et test des micronoyaux qui sont une déclinaison des tests d’anomalie chromosomique) « ne permettent pas de garantir l’absence de potentiel mutagène et génotoxique ». Ils recommandaient d’y ajouter des analyses complémentaires, et notamment un test dit « des comètes » in vivo qui mesure les cassures induites directement ou indirectement par une substance génotoxique sur l’ADN.

Les évaluations « ne respectent donc pas aujourd’hui les recommandations que les experts de l’Anses ont mis en avant dans ce rapport… dont la non-publication a donc permis une évaluation moins exigeante de la génotoxicité des formulations à base de glyphosate ! », s’insurge l’ONG Générations futures dans un communiqué. Selon l’association, deux produits à base de glyphosate, Crédit Xtreme et Gallup 360-K, ont ainsi pu être autorisés depuis 2017 sans le test dit « des comètes ».

Générations futures vent debout

« Nous demandons au gouvernement français, à la Commission européenne et à l’Efsa de prendre en compte immédiatement les principales recommandations de ce rapport, notamment en matière de test de génotoxicité, afin de revoir de toute urgence la ré-autorisation qui vient d’être accordée au glyphosate pour 10 ans et qui doit, dans l’attente des résultats de ces nouveaux tests, être suspendue », exige François Veillerette, porte-parole de Générations Futures.

Les controverses autour des exigences réglementaires européennes pour l’évaluation des substances chimiques ne sont pas nouvelles, tout comme celles autour du glyphosate. Alors qu’il est classé cancérigène par l’Inserm et le Centre international de recherche sur le cancer, la substance reste autorisée sur le sol européen en vertu d’un avis favorable de l’Agence européenne de sécurité des aliments (Efsa). Cet écart dans les évaluations s’explique justement par des différences de méthodologie et par les exigences européennes restreintes à des tests sur les processus biologiques, négligeant les données académiques.


Source : lequotidiendumedecin.fr