La crise sanitaire a eu un impact important sur la santé mentale des Français et sa dégradation, mais les suicides et gestes suicidaires ont eux baissé pendant les confinements de 2020. C’est l’enseignement du cinquième rapport de l’Observatoire national du suicide, paru ce mardi 6 septembre.
En effet dès les premières semaines de l’épidémie, une hausse de symptômes d’anxiété, de dépression et des problèmes de sommeil a été constatée dans la population. Mais parallèlement durant les deux confinements de 2020, les décès par suicide ont baissé respectivement de 20 % et 8 % par rapport aux années précédentes. Les gestes suicidaires ont également diminué au début de la pandémie, les passages aux urgences et les appels aux centres antipoison ont aussi décru pendant le premier confinement et au cours de l’été 2020, relate ainsi le rapport. Les hospitalisations en court séjour pour lésions auto-infligées, baissent également de 10 % en 2020 par rapport à la période 2017-2019. Malgré tout, le rapport souligne qu’à partir du deuxième trimestre, elles sont en augmentation pour les adolescentes et les jeunes femmes.
Des effets protecteurs de la crise sanitaire
La baisse du nombre de gestes suicidaires pendant la pandémie n’est pas un phénomène unique à la France. En effet le rapport note qu’elle s’observe « dans la plupart des pays à revenus élevés ou moyens ». Mais comment l’expliquer ?
« La situation de péril collectif vécue en début de pandémie pourrait, au même titre que les guerres, avoir engendré un fort sentiment de cohésion sociale et celui d’être moins singulier et responsable de sa situation difficile, à certains égards protecteurs par rapport au risque de suicide », avance le rapport. Par ailleurs les mesures comme le confinement ou le chômage partiel ont pu aussi participer à une atténuation du risque suicidaire, indirectement, grâce à un temps passé avec les proches plus important, des parents plus disponibles pour les enfants et les adolescents, etc. L’Observatoire évoque également un moindre accès à certains moyens létaux et « une grande adaptation du système de soins psychiatriques ».
Une tendance baissière plutôt qu'un effet pandémie
Néanmoins, le rapport nuance cette baisse et souligne qu’elle s’inscrit dans une tendance observée depuis le milieu des années 80. En effet, si l’on considère la période de janvier 2020 à fin mars 2021, la France a dénombré 11 210 décès par suicide, dont 75 % concernant des hommes. « Le chiffre annuel correspondant, non définitif, est ainsi légèrement inférieur à la moyenne observée au cours de la période 2015-2019 », précise le rapport qui pointe donc la tendance baissière de ces dernières années et non pas un « effet pandémie ».
Par ailleurs, l’Observatoire se montre prudent sur un effet pandémie, cette fois-ci négatif, qui pourrait survenir après coup en raison de la dégradation de l’état de santé mentale de la population, des conséquences négatives de la crise et d’une situation socio-économique difficile. « Les périodes de récession économique sont souvent accompagnées d’une hausse des conduites suicidaires, en particulier chez les hommes en âge de travailler, avec des conséquences à moyen terme qualifiées d’« effets rebonds » », pointe le rapport.
Augmentation des gestes suicidaires chez les jeunes
De plus, la stabilité des indicateurs en population générale masque une dégradation de la situation des plus jeunes. Chez les collégiens et les lycéens, l’augmentation du nombre de passages aux urgences pour geste suicidaire, idée suicidaire ou trouble de l’humeur est nettement supérieure à la moyenne.
La santé mentale des jeunes femmes a aussi été particulièrement affectée par le premier confinement et on constate notamment une augmentation des hospitalisations pour lésion auto-infligée après le second confinement. « De même, la forte augmentation des appels aux centres antipoison pour tentative de suicide en 2021 repose essentiellement sur la hausse importante des appels concernant les jeunes femmes âgées de 12 à 24 ans, dont la moyenne annuelle de 2021 est supérieure de moitié à celle des trois années précédentes », ajoute le rapport.
Pour cette population, la crise sanitaire a donc eu un effet négatif. « La plus grande vulnérabilité psychologique des jeunes face à la crise sanitaire a agi comme un facteur de risque supplémentaire à une santé mentale dégradée et aux conduites suicidaires, dont la crise du Covid-19 a joué un rôle d’accentuation et de révélateur », souligne l’Observatoire.
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