« Nos responsables politiques doivent avoir le courage de faire le choix de la santé publique, pas celui du cancer », exhortent un collectif de chercheurs et de soignants ainsi que des associations de patients et de défense de l’environnement, en réponse à la présentation ce 6 mai du plan Écophyto 2030.
Attendue depuis des mois après la mise sur pause le 1er février pendant la crise agricole, cette nouvelle stratégie de réduction des pesticides a été présentée a minima, en visioconférence par des conseillers des ministres de la Transition écologique et de l’Agriculture. Le gouvernement, par la voix du cabinet du ministre de la Transition écologique, affiche avoir « des ambitions très fortes avec comme enjeu la réduction des phytos », faisant valoir qu’« il n’y a eu aucun recul ».
Si le syndicat agricole majoritaire FNSEA se dit « satisfait d’avoir un indicateur européen », le son de cloche est bien différent du côté des près de 400 chercheurs et des 200 soignants ayant signé une tribune publiée dans Le Monde, « dénonçant une politique d’immobilisme vieille de 20 ans ».
Un nouvel indicateur qui ne fait pas l’unanimité
« Apaiser la colère légitime du monde agricole en perpétuant son exposition aux pesticides n’est pas la solution », dénonce le collectif, qui écrit ne pas accepter « que la santé publique soit sacrifiée pour des intérêts court-termistes ». La tribune rappelle « la forte présomption d’un lien entre l’exposition à plusieurs pesticides et le développement de cancers de la prostate, de lymphomes et de leucémies » ainsi que le risque accru de certains cancers pédiatriques après exposition aux pesticides in utero ou dans la petite enfance. « La densité des surfaces viticoles dans un rayon d’un kilomètre autour des habitations augmente la probabilité de leucémies infantiles », souligne le collectif de scientifiques.
En référence au chlordécone utilisé dans les bananeraies aux Antilles, les signataires estiment que « les tragédies passées (…) auraient dû instruire nos dirigeants quant à l’étendue de leurs responsabilités ». Mais les précédents plans Écophyto, le premier étant lancé en 2018, n’ont pas été à la mesure des attentes. Dans cette nouvelle stratégie, le collectif déplore la mesure saluée par la FNSEA : l’indicateur d’usage des pesticides (Nodu, nombre de doses unités) « qui avait pourtant fait ses preuves » sera remplacé par un outil de mesure européen « insuffisant », l’indicateur de risque harmonisé (HRI-1).
Une position partagée par l’ONG Générations futures qui dénonce de son côté dans un communiqué « un vrai travail de prestidigitateur », car avec ce nouvel indicateur HRI-1, la marche est moins haute pour atteindre l’objectif de réduction de moitié (la France en serait déjà à - 40 % entre 2011 et 2024). Un collectif de cinq autres ONG (à l’origine de la procédure « Justice pour le vivant » qui a fait condamner l’État sur sa politique de réduction des pesticides) s’alarme du fait que le plan « ne permettra pas d’enrayer l’effondrement de la biodiversité ».
Des mesures d’accompagnement, mais pas de politique préventive
Quant à la proposition du gouvernement « d’un dispositif d’indemnisation des riverains », bien qu’« indispensable », elle « ne peut être considérée comme une politique préventive visant à protéger l’ensemble de nos concitoyens », est-il argumenté dans la tribune. Ajoutant que le monde paysan est « aussi conscient de la dégradation de ses conditions sanitaires du fait de l’usage massif des pesticides », comme l’atteste la création par les agriculteurs de l’association Phyto-Victimes en 2011.
Le gouvernement a prévu une enveloppe de 20 millions d’euros dans le budget 2024 pour aider les collectivités à traiter l’eau destinée à la consommation en cas de pollutions par des produits phytopharmaceutiques, sachant que leur présence dans les nappes et les rivières nécessite déjà des traitements de potabilisation coûtant aux collectivités « entre 260 et 360 millions d’euros par an en France », selon des rapports gouvernementaux cités dans Écophyto 2030.
Le ministère de la Transition écologique prévoit d’accompagner davantage « financièrement » les agriculteurs pour qu’ils changent de pratiques en faveur d’une amélioration de la qualité des eaux, affectées par les épandages de pesticides dans leurs champs. Selon le principe mis en avant par la FNSEA « pas d’interdiction sans solution », l’État engage 250 millions en 2024, dont 146 spécifiquement dédiés à la recherche d’alternatives pour anticiper le retrait de certaines substances actives au niveau européen.
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