Comment soigner avec un impact environnemental réduit ? Depuis 2023, les étudiants en médecine de premier cycle de la quasi-totalité des 36 facultés de médecine suivent obligatoirement un module numérique de 6 heures de médecine et santé environnementale, coordonné par la Dr Marine Sarfati (Lyon 1).
En cette rentrée 2024, c’est au tour des internes en tronc commun, toutes spécialités confondues, d’avoir la possibilité d’être formés à l’écoconception des soins. Le projet prend la forme d’un enseignement transversal universel (ETU) élaboré par les deux coordinateurs pédagogiques, les Prs Julien Pottecher (Strasbourg) et Laurent Zieleskiewicz (Marseille), tous deux anesthésistes-réanimateurs, leur spécialité étant pionnière en matière de développement durable/transition énergétique (DD/TE) en santé.
Ces dernières années, former les professionnels de santé sur ce thème est devenu une nécessité. En 2021, première dans le monde médical, les rédacteurs en chef du Lancet, du Jama, du BMJ et du New England Journal of Medicine rédigent un éditorial commun (1), publié simultanément dans 159 journaux médicaux, enjoignant d’agir en urgence contre la pollution et le changement climatique.
Deux ans plus tard, ils réitèrent (2) l’initiative et tout s’emballe. La Fédération hospitalière de France (FHF) présente 50 propositions, la Haute Autorité de santé (HAS) édite une feuille de route santé-environnement, la plateforme nationale des bonnes pratiques organisationnelles de l’Anap – agence publique de conseil rattachée au ministère de la Santé – s’enrichit et la feuille de route de la Planification écologique du système de santé se renouvelle.
Cinq cours vidéo de vingt minutes
Pour cette formation, le Pr Julien Pottecher a convaincu la Coordination nationale des collèges d’enseignants en médecine (CNCEM) d’ajouter un ETU aux 18 existants. Ceci avec l’aval de la Conférence de doyens des facultés de médecine, qui s’était déjà montrée favorable en rendant obligatoire le module de santé environnementale des 2e et 3e années.
Le Pr Laurent Zieleskiewicz a, quant à lui, rassemblé les experts de spécialités diverses pour bâtir un enseignement de cinq cours vidéo de vingt minutes : interaction entre environnement et système de santé, analyse en cycle de vie, gestion des déchets hospitaliers, impact écologique de l’usage unique, du réutilisable et du reprocessing, et enfin parcours patient en ville. Cours et questionnaires de validation seront disponibles sur la plateforme de l’Université numérique en santé et sport (Uness) pour les 40 000 internes de France.
Cet ETU « servira de tronc commun pour la formation initiale en 3e cycle médical et devra être complété dans chaque spécialité pour approfondir les spécificités de l’écoconception des soins dans chaque discipline », explique le Pr Zieleskiewicz. Les réflexions existent déjà dans de nombreuses spécialités et sont prêtes à être enseignées. Citons quelques exemples : les recommandations de pratiques professionnelles visant à réduire l’impact environnemental de l’anesthésie, la « green » cataracte en ophtalmologie ou encore le guide de l’hémodialyse verte et le guide des unités durables (CHU de Bordeaux).
L’accroissement des publications dans des revues à comité de lecture reflète la vitalité de la recherche
Pr Julien Pottecher, coordinateur pédagogique de l’ETU
Engouement des jeunes générations
L’enseignement a déjà été testé à Marseille en novembre 2024, lors d’une journée de formation au DD et à l’écoconception des soins réunissant les experts et tous les internes de DES. Sensibilisés au paradoxe que représente la pollution (eaux, sols, air) engendrée par les soins eux-mêmes, ils se questionnent sur leurs pratiques. « Dans ma spécialité, en anesthésie-réanimation, j’ai observé, lors d’un stage à l’hôpital Nord de Marseille, la suppression au bloc opératoire du protoxyde d’azote (N2O) et du desflurane, ce gaz halogéné anesthésique ayant une empreinte carbone élevée », témoigne Thomas Brieussel, interne.
« Autre témoin de l’engouement des jeunes générations, le nombre de thèses de fin d’études se multiplie ! », observe le Pr Zieleskiewicz. Prochainement, Thomas soutiendra sa thèse « Utilisation au bloc opératoire de l’anesthésie IV versus inhalée », une étude réalisée sur trois centres : Marseille, Lyon et Nîmes.
« L’accroissement des publications dans des revues à comité de lecture avec des niveaux de preuve convaincants est aussi un indicateur de la vitalité d’une recherche qui se structure et s’affine par exemple dans l’analyse en cycle de vie », ajoute le Pr Pottecher.
Et pour ceux qui sont désormais éloignés de la fac, tous les modules sont disponibles sur la chaîne YouTube Médecine et Santé environnementale.
(1) L. Atwoli et al., Glob Health Action, 2021.14(1):1965745
(2) K. Abbasi et al., Jama Health Forum, 2023.4(10): e234347
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