« J’ai découvert la maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) pendant mes études de médecine à Lyon. Lors d'un stage en quatrième année, en médecine physique et de réadaptation, j'ai assisté à plusieurs consultations du Pr Gilles Rode avec des patients atteints de CMT. Cette maladie méconnue, y compris par les étudiants en médecine, est la neuropathie génétique la plus fréquente. Ce paradoxe m’a choqué et je me suis promis que si un jour je réussissais à accomplir quelque chose de remarquable, j'en profiterais pour la faire connaître », explique Victor Bernardeau.
De fait, l’exploit a eu lieu entre le 11 et le 17 avril dernier lorsque les deux amis sont partis à l’assaut du Kilimandjaro le pied droit de l’un attaché au pied gauche de l’autre (ou vice-versa). « La CMT entraîne des troubles de la marche et des déformations osseuses des pieds. D’où l’idée de ne réaliser aucun pas vers la Kilimandjaro non attachés. Ce lien physique était également une manière d'exprimer la nécessité de rester ensemble et donc de souligner l'importance d'une association de patients comme CMT-France », complète Théophile de Cazenove, consultant dans la finance.
Les premières avancées à « trois jambes » sur un terrain rendu boueux par la pluie ont été hésitantes et la fin du troisième jour particulièrement difficile du fait d’un air appauvri en oxygène, qui rendait les respirations haletantes et augmentait encore un peu plus la pénibilité de l’effort. L'humidité et la découverte de la neige au moment de l’ascension finale n’ont toutefois pas empêché Victor et Théophile de continuer jusqu’à l’Uluru Peak et de découvrir « le panneau givré qui annonce que nous sommes au point le plus haut de toute l'Afrique ».
Mieux diagnostiquer, mieux orienter
« Avec les jambes du milieu liées entre elles, chacun de nos pas devait être finement synchronisé avec le pas de l'autre pour éviter les à-coups inutiles qui participent rapidement à l'épuisement tant physique que psychologique. Lorsque le terrain devenait technique avec du dénivelé et des roches glissantes, nous devions nous mettre d'accord sur la position de chaque pied avant d’avancer ; à la moindre incompréhension, nous trébuchions et risquions de chuter. Nous passions donc de longues heures à nous concentrer sur nos chaussures et sur les obstacles en ne profitant que rarement du décor au risque de finir dedans ! », écrivent les deux amis dans leur « journal de bord ».
Futur médecin, Victor Bernardeau aimerait aussi délivrer un message aux professionnels de santé : « ne pas considérer la CMT comme une maladie extrêmement rare afin de pouvoir plus facilement l'évoquer devant une atteinte classique qui se manifeste par des entorses fréquentes, des pieds creux, une amyotrophie… Et une fois le diagnostic posé par un neurologue, apprendre à orienter la personne malade vers une association de patients afin de lui permettre de mieux vivre avec sa maladie. »
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