Alors que le sommeil évoque généralement une phase de déconnexion de notre environnement, les résultats d’une étude française égratignent ce « dogme » en montrant la possibilité d’une réactivité comportementale aux stimuli externes en dehors de la phase d’endormissement ou des cas de sommeil paradoxal lucide. Intermittente durant presque tous les stades du sommeil, cette capacité pourrait être utile à la compréhension des processus cognitifs sur lesquels repose le sommeil normal et pathologique.
Publiée dans Nature Neuroscience, cette étude a été menée au sein de l’Institut du cerveau sous la houlette de Delphine Oudiette, chercheuse à l’Inserm, de la Pr Isabelle Arnulf, neurologue, cheffe du service des pathologies du sommeil à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et du Pr Lionel Naccache, neurologue à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et chercheur en neurosciences (Sorbonne Université). Leurs résultats tendent à remettre en cause la définition du sommeil et les critères cliniques de distinction entre ses différents stades.
« Nos recherches nous ont appris que la veille et le sommeil ne sont pas des états stables : ils s’apparentent l’un et l’autre à une mosaïque de moments conscients… et de moments qui ne semblent pas l’être », indique le Pr Lionel Naccache.
Des connexions plus fréquentes lors des rêves lucides
Les chercheurs ont enquêté sur la réactivité comportementale de 49 participants faisant une sieste (27 atteints de narcolepsie et 22 volontaires sains) et engagés dans une tâche de décision lexicale. Ils ont été soumis à un test au cours duquel une voix humaine énonce une série de vrais mots et de mots inventés. Pour les classer dans l’une ou l’autre de ces catégories, les participants devaient réagir en souriant ou en fronçant les sourcils. Tout au long de l’expérience, ils étaient suivis par polysomnographie (enregistrement de leur activité cérébrale et cardiaque, des mouvements des yeux et du tonus musculaire). Au réveil, ils devaient dire s’ils avaient fait ou non un rêve lucide et s’ils se souvenaient de l’interaction.
« La plupart des participants, qu’ils soient narcoleptiques ou non, ont réussi à répondre correctement aux stimuli verbaux tout en restant endormis. Ces événements étaient certes plus fréquents lors des épisodes de rêve lucide, caractérisés par un haut niveau de conscience ; mais nous les avons observés ponctuellement dans les deux groupes, au cours de toutes les phases du sommeil », explique la Pr Isabelle Arnulf, dans un communiqué.
En analysant les données physiologiques, comportementales et les rapports subjectifs des participants, les chercheurs montrent ainsi que l’ouverture de « fenêtres de connexion » avec l’environnement (capacité à répondre aux stimuli) est prédictible, ces moments étant « annoncés » par une accélération de l’activité cérébrale, et par des indicateurs physiologiques habituellement associés à une activité cognitive riche.
Une potentielle corrélation avec la qualité du sommeil
« Chez les personnes qui ont fait un rêve lucide durant leur sieste, la capacité à dialoguer avec l’expérimentateur et à raconter cette expérience au réveil était également caractérisée par une signature électrophysiologique spécifique », ajoute le Pr Lionel Naccache.
Selon les chercheurs, l’existence de ces fenêtres transitoires de réactivité comportementale fournit une image beaucoup plus complexe des phénomènes veille/sommeil que celle envisagée précédemment. D’autres recherches sont nécessaires pour explorer une éventuelle corrélation avec la qualité du sommeil, mais aussi pour tenter d’exploiter ces fenêtres dans une optique d’amélioration de certains troubles du sommeil ou pour favoriser les apprentissages.
« Des techniques de neuro-imagerie plus avancées, comme la magnétoencéphalographie et l’enregistrement intracrânien de l’activité cérébrale, nous aideront à mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui orchestrent les comportements des dormeurs », conclut Delphine Oudiette.
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