Environ 16,5 % des nouveaux cas de cancer pourraient être imputables à une insuffisance cardiaque préexistante, indépendamment des facteurs de risque individuels, selon les résultats d’une étude française menée par l’institut hospitalo-universitaire Prevent Heart Failure (1). Les auteurs appellent ainsi à une révision des pratiques cliniques via une meilleure intégration du dépistage oncologique dans le suivi des patients insuffisants cardiaques.
L’étude a inclus les données de 330 867 patients adultes français hospitalisés pour un premier épisode d’insuffisance cardiaque entre 2010 et 2019 (âge moyen au diagnostic de 77,7 ans), appariés chacun à trois témoins sans insuffisance cardiaque (IC) ni cancer préexistant.
À l’issue d’un suivi moyen de 4,3 ans, les auteurs retrouvent une incidence annuelle du cancer chez le groupe IC de 21,9 pour 1 000 personnes-années contre 17,4 chez les témoins. Le surrisque persistait après ajustement sur l’âge, le sexe, la consommation d’alcool et de tabac, le lieu de résidence et les comorbidités majeures (HR = 1,07). « Bien que l’association persiste après ajustement, nous ne pouvons pas écarter le fait que ces comorbidités puissent avoir un rôle additionnel dans la survenue du cancer », avait commenté pour le Quotidien le Pr Jean-Sébastien Hulot, cardiologue et pharmacologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou (Paris), et coordinateur de Prevent Heart Failure.
L’augmentation de l’incidence était plus marquée pour les cancers solides – cancer du poumon (HR = 1,42), colorectal (HR = 1,22) – et du sang (HR = 1,22), en particulier pour le myélome multiple. De plus, les patients insuffisants cardiaques ayant développé un cancer présentaient un risque de décès accru par rapport aux patients atteints de cancer sans IC (HR = 1,33). Si les chercheurs estiment que 16,5 % des nouveaux cas de cancer sont attribuables à l’IC chez ces patients, ils n’ont pas évoqué de lien de causalité direct.
Plusieurs hypothèses identifiées
C’est à la suite des travaux précliniques de chercheurs néerlandais (2) que l’équipe du Pr Hulot s’est intéressée au risque de cancer chez les personnes atteintes d’insuffisance cardiaque. « L’hypothèse des Néerlandais était que le cœur malade et fatigué sécrète des facteurs prolifératifs – comme la SerpinA3 impliquée dans le remodelage cardiaque – qui pourraient favoriser la croissance d’une tumeur », a expliqué Jean-Sébastien Hulot.
À l’issue de leurs travaux, les chercheurs français ont identifié deux hypothèses pour expliquer comment l’insuffisance cardiaque et le cancer pourraient être liés. « La première rejoint l’hypothèse expérimentale des Néerlandais. D’autant plus qu’il existe des marqueurs partagés entre le cancer et l’insuffisance cardiaque, pouvant indiquer des voies biologiques communes », décrit le cardiologue.
La deuxième est génétique. « L’acquisition, avec le vieillissement, de mutations somatiques – hématopoïèse clonale de signification indéterminée, dite Chip – donne naissance à des lignées de globules blancs mutés associés au risque cardiovasculaire, dont l’IC, mais également au risque de cancer du sang. Il pourrait exister chez ces patients une dysimmunité qui se manifesterait tout d’abord par une IC puis par un cancer, poursuit le Pr Hulot. Cette hypothèse serait particulièrement pertinente avec le signal fort que nous retrouvons avec le myélome multiple. »
(1) M. Mirabel et al., European Journal of Preventive Cardiology, 2025. DOI : 10.1093/eurjpc/zwaf152
(2) W.C. Meijers et al., Circulation, 2018. DOI : 10.1161/CIRCULATIONAHA.117.030816
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