Gynécologie

Endométriose : un score de dépistage basé sur l'interrogatoire

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Publié le 31/01/2022
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Dans une étude publiée par eClinicalMedicine, des gynécologues de l’AP-HP proposent un score de dépistage permettant d’identifier de façon simple, en cabinet, les femmes à haut risque de présenter une endométriose.

Crédit photo : GARO/PHANIE

C’est un outil qui pourrait faciliter le repérage des femmes souffrant d’endométriose. Des gynécologues de l’Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) ont élaboré un score de dépistage de la maladie fondé sur le seul interrogatoire des patientes. Un travail publié ce mois de janvier dans eClinicalMedicine, revue éditée par le Lancet Discovery Science.

Encore trop d'errance diagnostique

L’endométriose, « est de plus en plus reconnue comme un problème de santé publique et de société majeur », rappellent les auteurs de l'étude. Car l’endométriose, à l’origine de douleurs, d’infertilités, de complications digestives ou urinaires graves, de fatigue, de dépression, etc. apparaît non seulement invalidante pour les patientes mais aussi à l’origine d’un « fardeau économique substantiel », plaident les chercheurs. Pourtant, le délai séparant l’émergence des premiers symptômes et le diagnostic reste long, généralement « de 6 à 10 ans ».

En effet, l’interprétation des plaintes douloureuses reste difficile. « Ces plaintes sont banales au cabinet, ainsi, comment savoir si des dysménorrhées ou des dyspareunies doivent amener à suspecter une endométriose et à orienter les patientes concernées vers un radiologue spécialisé ? », souligne le Pr Charles Chapron, gynécologue à l’hôpital Cochin et premier auteur de l’étude.

Pour aider les cliniciens à repérer les patientes susceptibles de présenter une endométriose, le Pr Chapron et son équipe ont proposé d’élaborer un score de dépistage, « facile à utiliser et peu coûteux », explique le gynécologue.

Calcul du score sur une cohorte de patientes opérées de l'AP-HP

Pour ce faire, les chercheurs se sont penchés sur « les données épidémiologiques extraites d'un questionnaire prospectif préopératoire de 2 527 patientes prises en charge dans le service de chirurgie gynécologique et médecine de la reproduction de l’hôpital Cochin Port-Royal, entre 2005 et 2018 », résume l’AP-HP. « Au sein de cette cohorte, certaines patientes avaient été identifiées au cours de la chirurgie comme souffrant d’endométriose, et d’autres au contraire comme ne présentant pas de lésions d’endométriose, ce qui, point essentiel sur le plan méthodologique, a permis de disposer d’un groupe témoin fiable », explique le Pr Chapron.

Finalement, le score a été calculé sur deux tiers des patientes de la cohorte, et validé en interne auprès du reste des volontaires. Une validation externe sur une autre population a aussi été réalisée afin de garantir la robustesse du score. « Il s’agissait d’une population de femmes russes qui, comme nous l'avions montré dans un travail précédent, exprimaient leurs douleurs d'endométriose de la même façon que les Françaises », détaille le gynécologue.

Un score basé sur 5 types d'items

Résultat : le score mis au point par les chercheurs permettrait de repérer les femmes atteintes d’endométriose avec une sensibilité de 85 à 86 %. Le tout, à partir d’un interrogatoire portant sur les critères suivants : antécédents familiaux d’endométriose, antécédents d’infertilité, IMC (« car les femmes minces sont plus sujettes à l’endométriose », rappelle le Pr Chapron), durée des cycles (« les cycles courts prédisposent à l’endométriose », ajoute-t-il) et surtout divers types de symptômes douloureux (dyspareunies, dysménorrhées, symptômes digestifs, symptômes urinaires) à évaluer à l'aide d'échelles visuelles analogiques (EVA).

Principale limite de ce score, au-delà de la connaissance de l’histoire familiale et de l’infertilité : l'auto-estimation des douleurs par les EVA, vectrice de subjectivité. Aussi les chercheurs ont-ils élaboré un deuxième score ne prenant pas en compte l’intensité de tous les symptômes douloureux (excepté celui des dysménorrhées), qui puisse être plus facilement reproductible dans toutes les populations de femmes, quelle que soit l'attitude des patientes face à la douleur. « Car dans un travail antérieur, nous avions par exemple montré que les femmes chinoises avaient tendance à sous-estimer l’intensité de leurs douleurs », raconte le Pr Chapron.

Score 1 (avec EVA) et score 2 (sans EVA), d’après l’étude d’eClinicalMedicine

Une application pour ajuster le score

Pour le gynécologue, ce score peut ainsi d’ores et déjà être utilisé au cabinet auprès des patientes évoquant des douleurs suspectes, voire auprès de toutes les femmes en âge de procréer, éventuellement en autonomie. Pour faciliter son maniement par les patientes, une application baptisée Luna a été créée. Un dispositif incluant « une intelligence artificielle, qui permettra au score d’évoluer et de préciser les connaissances sur l’endométriose », précise le Pr Chapron. En pratique, « l’application, à terme, permettra également de centraliser les comptes rendus d’examen (échographies, dosages hormonaux, etc.) , de préciser les conduites thérapeutiques, et proposera un programme d’éducation thérapeutique » .


Source : lequotidiendumedecin.fr