Rhumatologie

Ostéoporose : hommes et femmes, même combat !

Publié le 14/02/2020
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Peu connue, l’ostéoporose masculine n’en est pas moins délétère. Comme chez la femme, elle impose le repérage, l’exploration et si besoin le traitement des patients à risque. Une prise en charge détaillée lors de la 33e journée scientifique du GRIO.
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Crédit photo : SPL/PHANIE

L’ostéoporose est souvent considérée comme l’apanage de la femme ménopausée. Pourtant, comme l’a rappelé le Pr Béatrice Bouvard (Angers) lors de la 33e journée scientifique du GRIO (Paris, 17 janvier), 20 à 25 % des fractures ostéoporotiques concernent les hommes. Et si la première fracture survient généralement 10 à 15 ans plus tard, les conséquences sont les mêmes que chez les femmes en termes de risque de nouvelles fractures, d’excès de mortalité et de placement en institution. D’où l’intérêt du repérage et du traitement des patients à risque.

70 ans, un âge charnière

À ce titre, « 70 ans est un âge charnière important chez l’homme », souligne le Pr Bouvard. L’existence de facteurs de risque d’ostéoporose (alcool, tabac, privation androgénique, etc.), les rachialgies aiguës et la diminution de la taille sont autant de signes d’appel. De même que la notion d’antécédents de fractures vertébrales non documentées ou de fractures à basse énergie, qui doivent pousser à des évaluations radiologiques avec une ostéodensitométrie. Or, en pratique, « face à une première fracture, il y a moins d’évaluations d’ostéoporose chez l’homme car la fracture est souvent considérée comme traumatique », constate le Pr Bouvard.

La densité minérale osseuse doit être évaluée systématiquement dès la présence d’un facteur de risque, avec une courbe de référence spécifique. Il faut aussi inventorier les risques de chutes au moyen de questions simples : « Êtes-vous tombé au cours de l’année ? », « Avez-vous peur de tomber ? », « Avez-vous une instabilité à la marche ou des difficultés au lever ? ». On complète avec un bilan biologique comportant dosage phosphocalcique, albumine, créatinine, électrophorèse des protéines, éventuellement des dosages hormonaux particulièrement chez le sujet jeune. Les seuils d’intervention sont les mêmes que chez la femme.

Moins de possibilités thérapeutiques

Le traitement vise à réduire le risque de nouvelles fractures, sachant que ce risque est augmenté à court terme et jusqu’à 10 ans après la fracture initiale. Le choix thérapeutique est plus restreint car seuls deux biphosphonates sont remboursés dans l’ostéoporose masculine : le zolédronate et le risédronate 35 mg. Le zolédronate, en une perfusion annuelle, trouve préférentiellement sa place en cas de troubles mnésiques risquant d’affecter l’observance ou s’il existe des troubles digestifs ou une polymédication. Dans le cas de deux fractures vertébrales, le tériparatide est préconisé en première intention pendant 18 mois avant un relais par biphosphonates. Le dénosumab n’est pas remboursé.

Les mesures non pharmacologiques sont importantes : elles incluent l’arrêt du tabac et de l’alcool, l’apport en calcium et en protéines, la prévention des chutes et la pratique d'une activité physique en charge 150 minutes par semaine.

Le suivi annuel s’articule autour de la réévaluation des facteurs de risque, de la mesure de la taille, de la recherche d’une nouvelle fracture, ainsi que de l’observance et de la tolérance du traitement. Pour le Pr Bouvard, s’il n’y a pas de perte osseuse évaluée par DMO, on peut arrêter le traitement au bout de 2 à 3 ans.

Biphosphonate, un traitement à vie ?

Une fois le traitement anti-ostéoporotique débuté, faut-il arrêter les biphosphonates au bout d’un certain temps ? La question a fait débat lors du congrès, même si tous les experts estiment que l’action rémanente des biphosphonates, leur effet additionnel incertain après 5 ans et le risque augmenté d’effets indésirables tardifs, mais graves, justifient de se poser la question.

Réévaluation tous les deux ans Des analyses plus poussées des essais montrent qu’il persiste un bénéfice sur les fractures vertébrales entre 5 et 10 ans de traitement et qu’à l’inverse, les marqueurs ont tendance à remonter après l’arrêt. Une étude de l’ACR 2017 non publiée a conclu que l’on évite deux fractures atypiques (effet indésirable des biphosphonates) au prix de la survenue de 25 fractures de l’extrémité supérieure du fémur qu’on aurait pu prévenir. D’un autre côté, la grande angoisse est la survenue d’ostéonécroses de la mâchoire. Au-delà de sa forte médiatisation, cet effet indésirable très rare (1/10 000) reste grave et surtout, sa fréquence augmente après 4 à 5 ans de traitement.

Devant la difficulté d’apprécier le rapport bénéfice/risque, les experts ont convenu qu’il est possible d’arrêter le traitement s’il n’existe « pas de nouvelles fractures sous traitement, pas de nouveau facteur de risque, pas de diminution de DMO et un T-score entre -2,5 et -2 DS ». Le message principal est de réévaluer individuellement son intérêt tous les deux ans.

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr