Médecin et Immunologiste américain d’origine vénézuélienne, Baruch Benacerraf a reçu le prix Nobel en 1980 pour ses recherches sur les gènes régulant les réponses immunitaires et la mise en évidence de leur rôle dans les maladies auto-immunes. Il a également démontré que ces gènes – appelés « IR » (initiales de « réponse immunitaire ») appartenaient au système appelé « complexe majeur d'histocompatibilité ».
Une jeunesse parisienne
Benacerraf est né en 1920 à Caracas, dans une famille juive séfarade originaire de Tetouan au Maroc. Son père, cordonnier à l’origine, avait émigré au Venezuela, où il bâtit une immense fortune en quelques années en se lançant dans l’industrie textile et l’import-export, mais surtout en achetant des terrains qui se révéleront pétrolifères. En 1925, ses affaires d’import-export étant particulièrement florissantes, le père de Baruj se mit en tête d’ouvrir une succursale en Europe pour avoir accès aux meilleurs produits au meilleur prix. Sous l’influence de sa femme Henriette, d’origine algérienne et francophile dans l’âme, la famille Benacerraf alla donc s’installer à Paris dans le XVIe arrondissement. Baruj rentra l’année suivante au lycée Janson de Sailly et s’imprégna rapidement de la culture française. Arriva 1936, où le jeune Baruj s’enthousiasma pour le Front populaire, mais déjà des nuages noirs commençaient à s’amonceler au-dessus de l’Europe et le jeune Benacerraf fut bientôt confronté à l’antisémitisme au lycée comme dans les moindres actes de sa vie quotidienne.
La guerre déclarée, les Benacerraf décidèrent de retourner au Venezuela. Mais toutes ces années passées à Paris auront marqué Baruj Benacerraf pour la vie, au point qu’il achètera par la suite un appartement dans la capitale pour venir y passer quelques semaines deux ou trois fois par an.
Renonçant à reprendre les affaires de son père, Baruj Benacerraf décida alors d’aller étudier la biologie et la médecine aux États-Unis. Mais il sous-estima, comme il le reconnaîtra dans son autobiographie les obstacles que peut rencontrer « quelqu'un ayant (ses) origines ethniques et (son) statut d'étranger en 1942, aux États-Unis. » En effet, les universités américaines imposaient alors un numerus clausus aux étrangers et aux Juifs. En dépit d'un excellent dossier scolaire à Columbia, ce n’est que grâce à l’intervention personnelle d’un ami que Baruch Benacerraf fut reçu en médecine à l'université de Virginie, seule faculté à l’avoir accepté.
Alors qu’il venait à peine d’entamer sa première année de médecine, Benacerraf fut enrôlé dans l'armée américaine. L’année suivante, en 1943, il obtint la citoyenneté américaine et se maria avec Annette Dreyfus, une Française rencontrée à l'université, arrière-petite-nièce du capitaine Dreyfus et nièce par alliance de Jacques Monod.
Asthmatique, Benacerraf s’intéresse particulièrement aux phénomènes allergiques
Le conflit mondial terminé, Baruch fut nommé lieutenant dans le Corps Médical de l’US Army. Il fut envoyé en Allemagne puis en France, à Paris d'abord, puis à l’hôpital militaire de Nancy où il prit la tête d’une unité médicale. Démobilisé en 1947, Benacerraf décida de s’orienter vers l'immunologie, s’intéressant en particulier aux mécanismes d'hypersensibilité. Souffrant d'asthme bronchique dans sa prime jeunesse, Baruch avait, en effet, développé une profonde curiosité pour les phénomènes allergiques.
Après avoir obtenu une bourse à la Columbia University, Benacerraf accepta un poste un poste à Paris où ses parents l’avaient précédé et où habitait la famille de sa femme, Annette. Benacerraf travailla dès lors à l’hôpital Broussais, dans le laboratoire dirigé par Bernard Halpern. Pendant six ans, il se consacra à l'étude de l’ensemble des cellules fabriquant des éléments du sang. Il développa ainsi des techniques pour l'observation du passage des particules dans l’hémoglobine.
« Un homme d'affaires dont le hobby est la science ».
Mais au bout de six années ponctuées de relations orageuses avec le Pr Halpern, le jeune immunologiste comprit qu’en tant qu’étranger en France, il lui serait difficile de créer son propre laboratoire. Il se résolut donc à aller aux États-Unis où il fut bientôt nommé professeur adjoint de pathologie à la New York University School of Medicine qui l’aida à développer son propre laboratoire et à soutenir sa recherche. Dans le même temps, il géra aussi la fortune familiale, ses parents, possédant notamment alors les deux tiers des actions d’une grande banque new-yorkaise. Un de ses collègues le décrivit alors comme « un homme d'affaires dont le hobby est la science ».
Cependant, en 1956 Benacerraf décida de se consacrer totalement à ses activités scientifiques et jusqu’en 1961 il travailla sur l'hypersensibilité cellulaire immunitaire et ses maladies complexes, l’hypersensibilité allergique et la structure des molécules de défense de l'organisme. Parallèlement, Benacerraf enseignait, directeur de recherche pour les étudiants boursiers. Dans son laboratoire, il multiplia les études en immunogénétique. Il observa l’effet des antigènes sur les mammifères et découvrit que leur réactivité était contrôlée par des gènes (segments d'ADN). Ces travaux permirent à Benacerraf de mieux comprendre des mécanismes comme celui du taux de compatibilité entre deux organes ou tissus qui permet à une greffe d'organe ou de cellules de ne pas être rejetée, cette affinité dépendant des patrimoines génétiques du donneur et du receveur.
« Un homme d'intuition, de coups de foudre et de concepts prémonitoires, un grand créateur »
En 1970, Baruch accepta d’occuper la chaire de pathologie comparative à la Harvard Medical School. Avec le doyen de la faculté, il y initia un programme interministériel d'immunologie de troisième cycle qui rencontra un franc succès. Benacerraf continuait ses observations sur les gènes immunitaires et leur rôle de régulation ainsi que sur les phénomènes d'immunosuppression. Jacques Thèze, de l’Institut Pasteur, qui collabora à cette époque avec Baruj, vit en lui « le Picasso de l'immunologie. Beaucoup de grandes figures de la recherche sont des peintres de la réalité, s'efforçant de décrire le plus fidèlement possible la réalité. Lui la triturait jusqu'au moment où il faisait saillir l'une de ses facettes. C'était un homme d'intuition, de coups de foudre et de concepts prémonitoires, un grand créateur. Plutôt que des grands raisonnements cartésiens qui l'agaçaient, il fonctionnait par éclairs. Quand une expérience échouait, là où un autre l'aurait recommencée, il passait à autre chose, expliquant à ses disciples qu'ils étaient de bons professionnels et avaient dû bien faire les choses. »
Ses travaux valurent à Benacerraf une multitude de récompenses et de nominations prestigieuses. En 1972, il est élu à l'Académie Américaine des Arts et Sciences puis en 1973 à l'Académie Nationale des Sciences des États-Unis. La même année, il fut également promu président de l'Association américaine des immunologistes, puis un an plus tard, président de la Société américaine de biologie expérimentale et de médecine. L’université hébraïque de Jérusalem l’honora également en 1974 en lui attribuant son Prix de la recherche en immunologie et en cancérologie.
Le prix Nobel comme couronnement de ses travaux
En 1980, Benacerraf devint président de l'Union Internationale des Sociétés d'Immunologie et président de l'Institut Sidney Farber contre le cancer, poste qu’il conservera jusqu’en 1992.
Cette année 1980 sera celle de la consécration pour Benacerraf, le savant obtenant le prix Nobel de médecine pour sa découverte majeure du complexe de compatibilité des gènes du système immunitaire.
Jusqu’à sa mort, des suites d’une pneumonie, le 27 août 2011, le chercheur américain continuera à être couvert d’honneurs et de distinctions : doctorat honoris causa ès Sciences à l’université Virginia Commonwealth et à l’Université de New York (1981), à la Yeshiva University (1982), à Columbia (1985), à Harvard (1992) et à l’Université de Bordeaux (1993). Il fut aussi élu à l'Institut de médecine en 1985 et obtint le prix Rous-Whipple Award de l'Association américaine des pathologistes.
Le lauréat du Prix Nobel de médecine reçut aussi le diplôme honoraire de Docteur en philosophie à l’Institut Weizmann de Rehovot (1989). Enfin, en 1990, Benacerraf se vit également décoré de la Médaille nationale des sciences pour ses contributions au monde de la médecine. Son frère, Paul Benacerraf, qui a, pour sa part, conservé la nationalité française, est un philosophe des mathématiques universellement apprécié, qui enseigna notamment à l'université de Princeton. Sa fille, Baryl, née en 1949, est, quant à elle, radiologiste et professeur à Harvard.
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