Prix du médicament, ça se discute à l’Assemblée nationale

Publié le 23/06/2016

« On peut se féliciter de l'inflexion sociétale prise par le Leem. » En pleine polémique ouverte par Médecins du Monde sur le prix des médicaments avec sa campagne choc, le compliment prononcé par sa présidente Françoise Sivignon n'était pas ironique le 22 juin dernier lors de son audition à l'Assemblée nationale. Ce virage avait été précédemment salué par Gérard Bapt (Parti socialiste). Mais ces amabilités ne doivent pas dissimuler l'âpreté du débat et ses difficultés techniques. En premier lieu comment évaluer les prix alors que domine la plus grande opacité en la matière ? Nous ne sommes pas coupables, réplique Maurice-Pierre Planel, président du CEPS (Comité économique des produits de santé). La Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) protège le secret industriel qui est en même temps transgressé en toute légalité pour les sociétés cotées en bourse. Les actionnaires ont le droit d'être informés.
Au-delà du débat juridique en amont, comment les laboratoires fixent un prix ? le Leem met en avant la difficulté à surmonter la course d'obstacles que doit franchir un nouveau médicament avant d'obtenir une AMM. « Sur 100 nouvelles molécules en phase 1, 7 seulement sont développées à terme sans garantie de succès. » Autre argument, les nouveaux médicaments réduisent la durée d’hospitalisation. Pierre Chirac, directeur de la rédaction de la revue Prescrire, balaie ces arguments. Selon le rapport de la commission d'enquête du Sénat américain, la fixation du prix du médicament ne repose pas sur une logique économique mais sur l'estimation de l'effort que le payeur serait prêt à consentir. Quant au président du CEPS ; il reconnaît ne pas savoir prendre en compte l’impact d’un produit sur la santé publique.
Aujourd'hui, et encore plus demain, cette logique libérale doit prendre en compte un autre facteur. Le progrès thérapeutique ne serait plus en panne mais connaîtrait un nouvel âge d'or. Comment alors assurer l'accès à l'innovation pour tous ? « Les difficultés sont devant nous », reconnaît Jean-Patrick Sales, vice-président du CEPS. Au lieu de deux actuellement, les indications pour les nouveaux traitements en immunothérapie contre le cancer devraient dépasser le seuil de dix. De plus, ils ne seront pas prescrits seuls mais en association. Les systèmes de protection sociale seront-ils prêts à absorber ces innovations, alors que l'on ignore toujours la durée des traitements ? Avec l'arrivée annoncée au-delà des années 2020 de la thérapie cellulaire un autre choc économique est donc prévisible.
Face à ces mutations annoncées, la réponse peut-elle être apportée dans le seul cadre national ? Sûrement pas, estiment les experts. En attendant, dans ce débat complexe où il n'y a guère de place pour l'angélisme, Patrick Errard, le président du Leem, a rappelé cette évidence : la santé est un marché.

« Nous sommes une industrie qui vend de la santé tournée vers le bénéfice des patients. » L'opinion publique est-elle prête à entendre ce discours ? Ce débat échappe parfois à tous les déterminismes politiques. On a vu ainsi la présidente de la commission des affaires sociales, une des figures du parti anti-industrie pharmaceutique s’inquiéter de retard pris par la France dans la mise sur le marché du Sativex®, le cannabis thérapeutique, pour cause de prix élevé…

La raison et la passion ici font souvent cause commune.


Source : lequotidiendumedecin.fr