Est-ce la lutte finale ? En tout état de cause, le ton monte d’un cran… même s’il se veut d’abord amical. « C’est vraiment un conseil d’amis, je suggère à certains laboratoires de diminuer le prix de leurs médicaments », lâche Marisol Touraine à une question de Décision Santé en marge de la cérémonie des vœux. Quelques instants plus tôt, Patrick Errard avait déclaré aux journalistes que le prix des médicaments n’était pas un problème mais un sujet. Quant à une réduction unilatérale du prix imposé par le CEPS en cas d’échec des négociations, cela relèverait d’une véritable déclaration de guerre adressée à l’industrie pharmaceutique. Ambiance...
Un rapport de forces non dissimulé
Chacun joue désormais cartes sur table. Le rapport de forces n’est plus dissimulé. Les adversaires montrent leurs muscles et jouent la montre. En attendant, l’étau se resserre autour du laboratoire Gilead qui négocie actuellement le prix de son nouveau traitement Epclusa® dans l’hépatite C. Ce médicament se distingue de ses concurrents par son large spectre d’activité. Il est efficace sur tous les patients quel que soit leur génotype. L’issue du match interviendra dans quelques semaines. Elle est d’autant plus incertaine qu’AbbVie a annoncé le 27 janvier dernier une baisse de prix de ses traitements. L’association Viekirac et Exviera est désormais commercialisée au prix public de 28 700 euros. Ce tarif challenge celui de Zepatier® (laboratoire MSD) qui avait alors cassé les prix (28 732 euros). Les règles de la grande distribution se diffusent-elles au sein de l’industrie pharma ? La concurrence frontale fissure le front uni qu’affichait il y a peu l’industrie pharma. Patrick Errard a toutefois renouvelé son soutien à Michel Jolly, le président de Gilead le 31 janvier dernier.
Des prix jugés astronomiques par Donald Trump
Mais en attendant que chaque camp recense ses amis, le débat n’est plus seulement hexagonal. L’OCDE s’est emparée du dossier. Et a publié un rapport en janvier dernier sur cette question. « Il est clairement nécessaire de rééquilibrer le pouvoir de négociation des acheteurs et des vendeurs dans certaines aires thérapeutiques », écrit l’organisation. L’idée de créer une centrale d’achat au niveau de plusieurs pays est suggérée par le rapport et reprise ouvertement par Marisol Touraine.
Outre-Atlantique, Donald Trump n’a pas hésité à qualifier d’astronomiques les tarifs fixés aux Etats-Unis. Lors d’une rencontre à la Maison Blanche le 31 janvier avec plusieurs patrons de big pharmas comme MSD, Novartis, Johnson &Johnson et l’équivalent du Leem américain, PhRMA, le nouveau président exige une baisse des prix afin d’obtenir des « dizaines de milliards de dollars d’économie. Nous n’avons pas le choix », tance-t-il aux représentants du secteur. En revanche, les procédures d’autorisation des nouvelles molécules seraient simplifiées. Une plus grande concurrence grâce à des délais raccourcis de mise sur le marché est le levier choisi pour générer des baisses. Contre toute attente, ces annonces n’ont pas fait trembler les marchés boursiers. L’indice boursier de la santé à Wall Street a même progressé. Comme si la réduction des prix était déjà actée par les investisseurs.
Un prix qui ne baissera pas ?
Quel que soit le perdant ou le gagnant de ce bras de fer, certains experts signent déjà la fin de la partie. « Ne soyons pas naïfs, le prix des nouveaux médicaments ne baissera pas », pronostiquent Guy Vallancien et Jean-David Zeitoun dans une tribune parue dans les Echos du 1er février 2017. Les deux auteurs reprennent à leur compte l’idée selon laquelle les profits d’aujourd’hui sont à l’origine des médicaments de demain. Et de citer l’exemple des antibiotiques où l’absence de rentabilité a conduit à l’assèchement de la recherche.
Cancérologie, pipelines riches en nouvelles molécules
Ce n’est certes pas cette menace qui devrait inquiéter les acteurs impliqués en cancérologie où les pipelines sont riches en nouvelles molécules. Quelle que soit la spécialité ou le pays, on se lance à une prévision : la question sur le prix des médicaments ne devrait pas quitter les agendas politiques avant longtemps. Le pari pour une fois paraît peu risqué.
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