Pourquoi les baisses de prix menacent les exportations

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Publié le 23/11/2016
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Le G5 plaide pour le développement du prix facial. Cette mesure, l’une des vingt extraites d’un livre blanc, s’appliquerait en priorité aux médicaments largement exportés. Elle ne génère aucun surcoût pour l’assurance-maladie. Décryptage

« Si aujourd’hui les collaborateurs de Servier reçoivent leur chèque à la fin du mois, c’est bien grâce à nos performances à l’export », lâche Olivier Laureau, le président du labo français indépendant lors d’une table ronde sur l’export. Cette puissance de feu est loin d’être valorisée par les institutionnels. Pourtant, les produits de santé constituent le troisième secteur exportateur avec 28,7 milliards d’euros. Le G5 santé à lui seul réalise 16,5 milliards d’euros à l’export. Le solde de la balance commerciale du G5 est largement positif. Et s’élève à 9 milliards d’euros.

 

France, quatrième place européenne en matière de production

Cet atout majeur pour la France est toutefois menacé à terme. L’Hexagone autrefois leader sur le critère de la production pharmaceutique ne cesse de perdre des places dans la classe européenne. Elle pointe désormais à la quatrième place derrière l’Allemagne, la Suisse et l’Italie. Le Royaume-Uni et l’Irlande sont en embuscade. C’est le fruit de la guerre sans merci que se livrent Les pays étrangers pour attirer de nouveaux investissements. Le livre blanc du G5 rappelle le lancement d’un plan en janvier dernier lancé par Matteo Renzi pour hisser l’Italie, deuxième exportateur mondial, sur la première place du podium. Le prix facial est un instrument de choix. Quant aux médicaments anticancéreux, ils ont été retirés du plafonnement budgétaire. Au Royaume-Uni, les politiques mènent une action sur le long-terme avec un programme sur dix ans lancé en 2012.

 

Effet papillon

Mais l’ennemi est aussi intérieur et se dissimule derrière les baisses de prix des médicaments décidées dans l’Hexagone. En effet, se produit là un effet papillon. Toute baisse d’un euro sur le prix du médicament décidée en France est répercutée à l’international. Olivier Laureau plaide donc pour la mise en place d’un dispositif largement implanté à l’international, le prix facial. Il n’y aurait là aucun surcoût pour l’assurance-maladie. Un versement de remises produit « spécifiques export » compenserait à l’euro près le coût pour la collectivité. Autre avantage, ce prix facial permettrait de préserver les installations industrielles en France. Ce dossier traduit bien l’absence d’arbitre dans le champ de la santé.

 

Rattacher le CEPS au Premier ministre

Aujourd’hui, ce secteur prioritaire est sous la tutelle de quatre à cinq ministères avec des objectifs différents. Le secrétariat au Budget gère le court-terme. Le ministère de l’Economie porte une vision à une échelle de temps plus longue. Et serait loin d’être d’inerte. Comment alors conjuguer les bonnes volontés ? Olivier Laureau au nom du G5 lors de la table ronde, puis Marc de Garidel (président d’Ipsen et du G5) lors de la conférence de presse suggèrent afin de briser « les conflits d’intérêts » entre ministres une première réponse. La proposition figure dans le livre blanc. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) serait rattaché au Premier ministre. Il se transformerait en délégation interministérielle. La recherche et le commerce extérieur seraient des membres à part entière. Chiche ?

 

Coup de rabot

Le PLFSS traduit l’absence d’ambition du gouvernement. Le G5 dénonce ainsi « les coups de rabot, mais aucune réforme de structure ». Afin de changer de logiciel, le G5 propose donc 20 propositions pour 2017. On peut citer le concept de prix responsables. « Le taux de remboursement serait fixé selon la gravité de la pathologie ainsi qu’en fonction des priorités de santé publique et de la couverture du besoin thérapeutique. » Quant à la découverte de nouveaux médicaments, elle passe par le développement de partenariats public-privé. L’une des propositions suggère le lancement d’un plan national pour l’innovation, notamment pour développer les médicaments de thérapie innovante. Une autre recommande des conditions d’accès aux brevets réalistes. Ce livre blanc dessine un monde idéal où les industries de santé ne seraient pas la tirelire à vider mais au contraire l’assurance à préserver afin de préparer l’avenir et protéger l’autonomie de la France en matière de santé. Faut-il y croire ?

 

 

 

 

*Le G5 santé est un cercle de réflexion qui réunit les industries de santé françaises. Il regroupe bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier, Théa.


Source : lequotidiendumedecin.fr