Chaque année, la Journée mondiale contre l’obésité constitue l’occasion d’actualiser le bilan de la lutte contre ce fléau. Pour ce 4 mars 2022, le réseau national de recherche clinique FORCE (French Obesity Research Center of Excellence), spécialisé dans l’étude des obésités et maladies métaboliques associées, se félicite de l’arrivée en France du premier médicament dédié à la prise en charge de certaines obésités graves et précoces d’origine génétique : le setmélanotide (Imcivree).
25 années de recherche
« Voilà 25 ans environ que des sujets porteurs de mutations dans des gènes impliqués dans la voie de la leptine/mélanocortine, indispensable à la régulation de la sensation de faim et de la dépense énergétique, ont commencé à être identifiés », souligne Karine Clément, chercheuse à l’Inserm et endocrinologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Chez ces individus, ces anomalies génétiques se sont vite avérées à l’origine d’une hyperphagie conduisant à une obésité grave apparaissant très rapidement, éventuellement « dès les premières semaines de la vie », décrit le Pr Clément.
Face à ces patients, des molécules potentiellement capables de restaurer l’activité de la signalisation de la leptine/mélanocortine ont été développées, l’une d’entre elles se dégageant particulièrement : le setmélanotide. En effet, en ciblant le récepteur MC4R, en aval de cette voie, ce principe actif semblait capable de rétablir l'action de la cascade de signalisation.
Perte pondérale et restauration de la sensation de satiété
Les essais cliniques ont confirmé l’intérêt de cette approche, le setmélanotide favorisant effectivement des pertes pondérales massives. « On a observé, en 7 ans de suivi, des réductions pondérales allant jusqu’à 40 % du poids de départ », soit une efficacité comparable à la chirurgie bariatrique, témoigne le Pr Clément, qui a participé au développement de la molécule depuis ses premières étapes. Mais l’apport principal de ce médicament est peut-être de rétablir la satiété. « Une impression que ces patients n’ont jamais connue : ces personnes souffrent d’une sensation de faim biologique irrépressible depuis leur naissance », souligne l’endocrinologue. D’où une amélioration majeure de la qualité de vie.
Si bien qu’après avoir reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en juillet 2021, ce produit s’est vu accorder par la Haute Autorité de santé (HAS) un accès précoce en janvier 2022, permettant son utilisation (et son remboursement) en France. Et ce, pour le moment, seulement chez les sujets de 6 ans et plus présentant « une perte génétiquement confirmée de la fonction biallélique de la pro-opiomélanocortine (POMC) » - soit chez les personnes présentant un déficit « d’un des gènes majeurs impliqué dans la voie de la mélanocortine », explique le Pr Clément. Quelques milliers de personnes seraient ainsi d’ores et déjà éligibles au traitement.
Jusqu'à 10 % des patients présentant une obésité grave concernés ?
À l’avenir, les indications du setmélanotide pourraient être étendues, et concerner l’ensemble des déficits touchant la voie de la leptine/mélanocortine. « Une demande est en cours concernant le syndrome de Bardet-Biedl, qui concerne une personne pour 150 000 », affirme dans cet esprit le Pr Clément. En fait, pour l’endocrinologue, jusqu’à 10 % des patients sévèrement obèses pourraient présenter un déficit sur la voie de la leptine/mélanocortine et pourraient devenir, à terme, éligibles au traitement.
D’où la nécessité de faire progresser le repérage de ces déficits immunitaires, encore sous-diagnostiqués, déplore le Pr Clément. Pour ce faire, la formation des médecins et notamment des généralistes au dépistage des obésités génétiques pourrait être revue. Mais surtout, des « problèmes de coûts » matériels et humains liés à la multiplication des recours aux tests génétiques – requis avant la mise en route du traitement – doivent être réglés.
Des effets indésirables cutanés
Quoi qu’il en soit, bien que très prometteur, le setmélanotide n’est pas parfait. D’abord parce qu’il n’est pour le moment disponible qu’en forme injectable, à administrer quotidiennement par voie sous-cutanée. De quoi compromettre la bonne observance du traitement. « Des tests sont en cours sur une forme permettant des injections hebdomadaires », affirme toutefois le Pr Clément.
En outre, le médicament présente des effets indésirables : au-delà de troubles digestifs en début de traitement et d’érections transitoires chez l’enfant, une hyperpigmentation est souvent rapportée, Un effet que le Pr Clément explique par la fixation du médicament à un récepteur proche du MC4R (le MC1R) situé dans les mélanocytes. La surveillance dermatologique est donc essentielle du fait d’un risque – pour le moment théorique – de cancer cutané. « On attend des molécules d’une nouvelle génération qui seraient plus spécifiques du récepteur MC4R », juge le Pr Clément. L’émergence potentielle d’effets psychiques est aussi surveillée, en lien avec l’action centrale de la molécule.
De plus, la réponse au traitement en termes de perte pondérale apparaît en réalité variable d’individu à individu. Si les causes de cette variabilité apparaissent encore mystérieuses, le Pr Clément semble convaincue qu’une plus grande adaptation du traitement au génotype et au phénotype de chaque patient permettrait de maximiser l’efficacité du médicament chez chaque individu. Pour ce faire, des formes combinées, associant le setmélanotide à d’autres molécules, pourraient être développées.
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